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 In the mid'night

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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:05





I want a dream lover, So I don't have to dream alone
...


New York, 1950.

Tommy ferma les yeux, l’espace de quelques secondes. Autour de lui, les bruits lui parvenaient comme étouffé. Il avait l’impression que son cœur allait exploser tant il battait fort, tant sa poitrine était serrée par le trac. Il était nerveux, et pris une profonde respiration, puis deux, régulant son souffle et retrouvant son calme. Il s’agissait de son premier rendez-vous avec Stephen dans ce contexte-là. Officiellement, du moins. Il ne fallait pas qu’il bute sur tous les mots et bégaye à chaque phrase. Il s’était rarement senti aussi excité et anxieux à la fois, mais il se sentait également étrangement euphorique. Pourtant, la petite rue sale dans laquelle il se trouvait, plongée dans la pénombre et à peine éclairée par un lampadaire grésillant, lui rappelaient de mauvais souvenirs. Son environnement contrastait largement avec l’image qu’il renvoyait : certainement celle d’un jeune homme de bonne famille perdue dans New York en pleine nuit, hésitant à taper contre la porte miteuse qui lui faisait face. Il avait mis le costume que lui avait offert Stephen, le trouvant de circonstances. Il n’avait plus qu’à pousser la porte pour entrer dans le bar clandestin, mais il lui restait encore un peu de bonne civilité qui le poussait à faire machine arrière. Il n’était pas comme ça.

Le jeune « reporter-mutant-homosexuel » poussa la porte en prenant une grande inspiration. Il regretterait toute sa vie de ne pas être entrée dans ce bar. L’inverse serait certainement faux. Contrairement aux apparences, l’intérieur du bar était loin d’être aussi vétuste que l’extérieur. La luminosité était un peu faiblarde, mais le mobilier assez agréable. Comme un bar fréquentable de Manhattan, la seule différence étant qu’ici, les hommes flirtaient ensemble. Se décalant légèrement de la porte vers le bar, il parcouru la pièce quelques secondes, cherchant Stephen du regard. La musique qui flottait dans l’air était agréable et en vogue, et Tommy se surpris lui-même à fredonner doucement l’air tout en faisant glisser ses yeux vers la piste de danse. Cela avait quelque chose de réellement troublant pour lui que de se trouver ici. Il avait l’impression de commettre un crime tout en ayant l’impression que la société en commettait un en les réduisant à se retrouver en cachette dans des bars clandestins. Mais voir des couples d’hommes le perturbait malgré tout un peu, outre mesure certainement. Il lui fallait trouver le chirurgien rapidement ; il savait bien qu’en trouvant Strange, il trouverait l’apaisement nécessaire pour passer une bonne soirée.

« Ah, vous êtes nouveau, non ?
- Ou- oui. »


Un homme d’un âge assez mûr contourna le comptoir pour s’approcher de lui, le détaillant des pieds à la tête avant d’hocher légèrement la sienne avec un sourire :

« Nerveux n’est-ce pas ? Ca le fait à tout le monde. Plutôt canon, vous n’allez pas avoir de mal à attirer quelqu’un.
- Je… Je suis pris. Enfin, je-je… Je suis invité.
- Ah… Un autre homme que je ne connais pas est allé s’installer dans le fond. Aussi bien vêtu que vous, ça doit être votre mec.
- Je… Merci. »


Tommy ne trouva pas la force de rétorquer quoi que ce soit. Il avait juste envie de rejoindre le Docteur Strange pour ne plus penser au reste. Aimer un homme lui sembler si naturel et normal lorsqu’il était avec lui qu’il parvenait à ne pas trop avoir l’impression d’être un monstre ou un détraqué en sa présence. Mais quelqu’un lui barra la route avant qu’il n’ait eu le temps de rejoindre l’homme de ses pensées. Assez grand, blond, les yeux d’un vert profond, il n’y avait pas grand-chose à critiquer chez lui, si ce n’était qu’il ne s’agissait pas de Stephen. Tommy resta planté devant lui, sans trop savoir quoi faire, tout particulièrement lorsque celui-ci lui tendit le bras avec un sourire en coin :

« Une danse, mon mignon ? C’est toujours bien de commencer par une danse. On ne savait pas où ça se termine.
- Désolé, « mon mignon », mais il est avec moi. »


Alors que Tommy commençait à devenir rouge pivoine, son sauveur apparu soudainement dans le dos de son interlocuteur, qui fait la moue et marmonna quelques choses avant de s’éloigner. Le reporter n’hésita pas longtemps à se pendre à ce nouveau bras tendu, se laissant conduire à une table un peu reculée où ils seraient assez tranquille.

« J’ai eu peur que vous ne vous ravisiez au dernier moment, Tommy. Je suis bien heureux que vous soyez venu. » confessa Stephen en s’installant face à lui.
« Je n’ai pas su si j’allais avoir le courage d’entrer ici jusqu’à vous trouver… » avoua le jeune homme en baissant légèrement les yeux.

Le chirurgien prit délicatement sa main pour la caresser avec tendresse, plongeant son regard dans celui du reporter :

« Eh bien, à présent, vous êtes ici. Peut-être pourrions-nous discuter plus librement ? »

Tommy hocha la tête, et ils discutèrent, comme ils n’avaient jamais discuté auparavant. De toute et de rien, de leur passé, leur histoire personnelle, et de leurs passions. De l’accent anglais de Tommy, de son adorable façon de rougir et de son sourire innocent qui ferait tomber des empires. De la première opération de Stephen, de ses extraordinaires capacités, de la musique qu’il aimait. Parfois, Tommy riait, et cela l’enchantait autant que cela le surprenait. Il ne se sentait pas seulement bien, mais merveilleusement bien. Il avait le sentiment d’avoir trouvé un trèfle à quatre feuille, d’avoir enfin sa chance et la vie heureuse à laquelle il aspirait.

« Peut-être désirez-vous danser ?
- Oh, je… Oui. »


Il sourit, un large sourire, pur et sincère, et pris délicatement la main que Stephen lui tendait. Ils étaient devenus l’un de ces duos, l’un de ces couples qu’il observait tout à l’heure, et jamais Tommy ne s’était senti aussi vivant qu’à cet instant. Une main dans celle de Stephen, l’autre sur son épaule tandis que la deuxième du chirurgien était posée sur sa taille, ils tournaient, doucement, à leur rythme. Il pouvait presque sentir les battements du cœur du chirurgien, et son souffle dans son cou. Ils cessèrent doucement la danse alors que la musique s’étirait en dernières notes silencieuse. Ils étaient plongés dans le regard l’un de l’autre, et c’est presque naturellement que les lèvres de Stephen vinrent se poser sur celles de Tommy. Le reporter sentit son rythme cardiaque s’emballer, ses jours s’empourprer, mais il rendit le baiser au chirurgien, avec toute la tendresse et la douceur dont il était capable. Lorsqu’il posa son front contre le sien, caressant doucement sa joue du pouce avec un sourire, Stephen murmura :

« Je crois que je vous aime, Tommy… Je t’aime. »

Tommy écarquilla légèrement les yeux, la bouche entrouverte. Il n’aurait jamais espéré gagner tant de cet homme, de cette soirée. La musique avait repris, lente, et sans attendre sa réponse, avec un sourire angélique, radieux, Stephen l’entraîna dans une nouvelle danse. Ses paroles tournaient dans l’esprit de Tommy aussi sûrement qu’eux sur la piste de danse, lui mettait les larmes aux yeux. Il les refoulait, devait garder bonne figure – il lui semblait n’avoir jamais été aussi heureux de toute sa vie. Il savait que vivre une relation avec un homme ne serait certainement pas de tout repos, ni une mince affaire, mais il était prêt à prendre le risque, juste pour cet homme.

« Moi aussi, Stephen. »

Le chirurgien lui sourit un peu plus. La prise qu’il avait sur sa taille se fit plus ferme, plus possessive : le jeune homme lui appartenait, à présent. Il n’était qu’à lui, et il était hors de question qu’il le partage. Une flamme brillait dans les yeux de Stephen, et consumait Tommy.

« Peut-être pourrions-nous sortir d’ici ? » il hésita un instant, et vint demander au creux de l’oreille du mutant : « Peut-être que cette jolie sirène pourrait me montrer son nid ? »

Un frisson parcouru le dos de Tommy, et avec un sourire à la fois timide et enjoué, il hocha la tête. Les deux compagnons quittèrent le bar, main dans la main, jusqu’à la voiture de Stephen garée non loin. Au cœur de la nuit, ils leur semblaient être invincibles, intouchables, non-incriminable. Tommy lui avait révélé la nature de sa mutation quelques heures plus tôt : la nuit était déjà bien avancée. La journée n’avait pas encore laissé place à la suivante, mais cela n’allait pas tarder, tout comme le vouvoiement avait été abandonné pour un tendre tutoiement. Stephen gara sa voiture à quelques mètres de l’appartement du reporter, et ils grimpèrent silencieusement jusqu’à son « nid », comme des voleurs. Ce ne fut que lorsque la porte fut refermée à clef derrière eux que le chirurgien vint attraper son compagnon entre ses bras, kidnappant ses lèvres pour un baiser passionné, langoureux, impatient.

« Depuis le jour où je vous ai vu porter ce costume, j’ai eu une folle envie de vous le retirer sauvagement pour vous faire l’amour, Tommy ; même si j’ai envie de te faire l’amour depuis bien plus longtemps que ça. »

Pour la forme, Stephen avait repris le vouvoiement. Il savait maîtriser les subtilités de la langue, appuyer son discours par un habile changement d’énonciation. Plus proche, plus intime, cela avait également beaucoup plus d’effet sur le reporter qui ne lui laissa que le temps de reprendre son souffle après ses paroles avant de l’embrasser à nouveau.

Il voulait s’abreuver de Stephen, connaître son corps et ses détails par cœur, le toucher, l’effleurer, le caresser et l’embrasser jusqu’au petit matin. Il se laissa déshabiller sans rechigner, ne voulais même plus faire semblant de lui résister. Une petite voix au fond de lui susurrer que ce n’était pas correct ? Il la repoussait, la faisait taire sans tarder. Lorsque le corps de Stephen pesa sur le sien, il se sentit vivant. Il avait l’impression de s’éveiller, de sentir son corps s’animer sous ses lèvres. La nuit s’abîma entre leurs désirs qu’ils satisfirent sans retenues, s’offrant et se découvrant l’un et l’autre sans dresser aucune barrière, s’exposant, au creux de la nuit qui accueillait leur méfait en son sein, recueillait le déchirement de leurs voix unies dans l’effort de leur nouvelle danse, l’animalité de leur appétences alors qu’ils se fondaient l’un dans l’autre pour s’unir et ne former plus qu’un, la tendresse de leurs caresses et la douceurs de leur deux corps, pressés l’un contre l’autre, au creux de leur bras lors du repos venu.



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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:06





On the edge of paradise
...


New York, 1950.

Lorsque Tommy s’étira, il ne rencontra que l’absence à ses côtés. Un léger grognement traversa ses lèvres alors qu’il roulait paresseusement dans son lit, cherchant en vain un Stephen qui avait disparu. Il soupira légèrement, quelque peu déçu, mais un large sourire vint rapidement gagner ses lèvres. Il enfouit son visage dans l’oreiller qui avait accueilli la tête du chirurgien pour s’imprégner de son odeur, autant qu’il lui était possible de le faire après une nuit pareille. Cela faisait si longtemps qu’il en avait oublié le doux bonheur qui en résultait. Tout son être lui semblait rayonner comme il n’avait pas rayonné depuis un long moment, même si l’homme qui occupait toutes ses pensées n’était pas avec lui à son réveil. Il était après tout Samedi, peut-être avait-il à faire à la clinique. Cela n’étonnerait pas vraiment Tommy, d’ailleurs. S’il y avait une chance infime que le chirurgien soit encore dans l’appartement, le mutant l’écarta bien vite lorsqu’il tendit l’oreille pour guetter le moindre bruit et n’entendit rien d’autre que le silence ou les cris étouffés de ses voisins d’en dessous qui devait certainement se disputer : l’insonorisation n’était pas assez bonne pour permettre de couvrir le bruit d’une autre personne arpentant son appartement.

Il finit par se lever, s’étirant paresseusement, avant de sortir de sa chambre sans prendre le temps de couvrir son corps de plus qu’un simple caleçon. Il n’y avait, en effet, plus aucune trace de Stephen ici. Les seuls marques qui en restait de trouvait dans ses draps, sur son corps, et la tasse à moitié bu sur son bureau. Un grand sourire apparait à nouveau sur son visage tandis qu’il pose ses lèvres là où le chirurgien avait posé les siennes quelques minutes plus tôt, persuadé que cette tasse n’a pas été posée en évidence ici par inattention. Elle était là pour lui, pour lui offrir un baiser alors qu’il n’était pas là pour le lui faire à son réveil. Le photographe remarque aussi qu’une de ses photos manque à l’appelle, mais il est bien incapable de dire laquelle. Certainement une mauvaise photo que Stephen, dans l’un de ses sursauts d’ego dont il semblait si friand, l’avait emporté, ne se jugeant pas assez en valeur. Au moins, sa photo préférée était toujours là. Terminant le café depuis longtemps refroidit, il alla la ranger dans le placard de sa table de nuit pour ne pas la perdre.

Il se sentait transporté. Il ne s’était pas senti aussi léger depuis longtemps, ni aussi en accord avec lui-même. Acceptant totalement le fait d’être homosexuel si cela le rendait si heureux, il assumait à présent totalement son amour pour cet homme, et ses désirs qui pouvaient sembler si impropre à la société mais qui n’était ni pire, ni meilleur que ceux qu’un homme pouvait avoir pour une femme. Il se sentait en harmonie avec lui-même, en accord avec ce qu’il était. Apaisé, il vaqua à ses occupations quotidiennes sans sortir de chez lui, sans voir la journée défilée, tant il était perdu dans ses pensées, et dans certaine pensées plus particulièrement. La perspective de devoir vivre leur amour caché, leur passion à l’insu de tous l’excitait même un peu. Il était prêt à relever tous les défis pour vivre un jour de plus heureux avec cet homme. Il savait qu’en ces temps leur amour était maudit, mais il s’en fichait pas mal. Il était prêt à tous les sacrifices.

L’amour était un sentiment assez nouveau pour lui. A part ses parents, et certainement quelques amourettes enfantines, il n’était pas familier de ce sentiment. Timide, il était assez difficile de s’approcher de Tommy sans qu’il ne veuille fuir pour se cacher ou sans qu’il ne se dévalorise. Stephen avait réussi cet exploit de le captiver, et avait certainement eu cet avantage de l’avoir captivé avant même de le connaître. Il voulait tout savoir de lui, être le plus proche, pouvoir être son soutien quand il en avait besoin, être toujours présent pour le chirurgien. Les papillons qui dansaient dans son ventre le faisaient danser lui aussi sur son petit nuage. Il ne voyait plus le monde autour de lui que par le terrible spectre de l’amour, et se réjouissait d’avoir un compagnon aussi éminent, aussi charismatique et aussi désirable que le Docteur Stephen Strange, fusse-t-il parfois hautain et condescendant. Il lui avait également prouvé qu’il savait faire preuve de tendresse, et c’est l’homme dans son entièreté qui avait fait succomber le reporter.

La journée passa donc tranquillement pour Tommy, mais quand il fut midi passé de quelques heures, il commença à se languir de l’absence de son bien-aimé. Il savait que dans la société actuelle, il risquait d’avoir à se languir souvent de leur séparation, mais il saurait faire face : il trouvait simplement cela un peu injuste de ne pas pouvoir profiter un peu de lui après la nuit qu’ils avaient passés ensemble. Il avait besoin de lui parler, d’épancher la tendresse qu’il ressentait à son égard de confesser son amour plus qu’il n’avait osé le faire la veille, que ce soit en répondant à ses sentiments ou en s’offrant tout entier à celui qui avait fait chavirer son cœur. Après mûre réflexion, somme toute assez rapide compte tenu de son état, il appela la clinique. Comme personne ne lui répondit, qu’il n’avait pas eu de nouvelles, et qu’il se sentait pousser des ailes, le reporter décida qu’il pouvait bien aller lui rendre une petite visite sur son lieu de travail. Il était presque l’heure de la débauche, s’il calculait bien, et cela ferait certainement plaisir à Stephen de se voir accueillit après une journée de dur labeur. En tous cas, Tommy serait ravi si cela lui arrivait.

♦️♦️♦️

Le jour se levait à peine lorsque Stephen ouvrit les yeux. Il mit quelques longues secondes avant de s’extirper de l’étreinte de Tommy. Assis sur le bord du lit, il passa sa main sur son visage avec un léger soupire, l’air pensif. Il jeta un coup d’œil au mutant endormi, et cette vision lui sembla être celle d’un ange assoupi dans un sommeil longtemps espéré, et largement mérité. Malgré lui, cela lui arracha même un petit sourire attendri. Qu’il chassa rapidement en se souvenant d’où il était. Le chirurgien fortuné se demanda d’ailleurs comment il avait fait pour si bien dormir dans un tel lit. Sans doute que ses activités nocturnes – fort plaisantes par ailleurs – l’avait épuisées. Et sans doute qu’il n’avait pas si bien dormi que ça puisqu’il se réveillait aux aurores (mais comme à son habitude, en réalité). Stephen cherchait à se trouver des excuses pour ne pas avoir eu l’impression d’avoir passé une excellente soirée, qui fut, si ce n’est parfaite, à la frontière de la perfection. Un homme comme lui ne pouvait pas s’abaisser à apprécier une soirée passée en compagnie d’un homme d’une classe sociale comme celle du reporter Summerfield, n’est-ce pas ? Plus compliqué que ça. Il ne pouvait pas nier avoir tout apprécié.

En se relevant, il étendit son corps nu, fit jouer ses muscles pour les réveiller, et se rhabilla, lentement, en faisant le moins de bruit possible. Ce faisant, il prit le temps d’observer la chambre de Tommy, mais ne s’y attarda pas. Il referma doucement la porte derrière lui, et inspecta plutôt le reste de l’appartement. Un peu comme il se l’imaginait, au fond. Aucun meuble de qualité, malgré un effort apparent pour que cela apparaisse cosy. Et si cela pouvait aller, dans l’ensemble, tout lui semblait vétuste à lui. Il prit la peine de se faire couler un café, en regardant par la fenêtre. La vue n’était pas splendide, mais il y avait pire. Bien pire. Dans son malheur, Tommy avait quand même un peu de chance. Le chirurgien attrapa une tasse qu’il passa sous l’eau, au cas où, et se servit une tasse avant d’ouvrir la porte à côté de la chambre de son compagnon. Des photos étaient encore accrochées sur un fil à linge et, curieux, il s’en approcha en trempant délicatement ses lèvres dans le café. Il n’était pas aussi bon que ceux qu’il avait l’habitude de boire, mais il s’en contenterait.

Les photos qui étaient accrochées étaient celles que Tommy avait prises de lui deux jours plus tôt, quand il lui avait offert l’appareil. Cela lui fit comme un électrochoc, un sourire naissant sur ses lèvres, un brasier dans ses veines. Il espérait que les lignes et les courbes affolantes du corps du mutant n’allaient pas le hanter pendant qu’il devrait opérer… Il mourait d’envie de retourner se jeter dans le lit de son compagnon et de l’enlacer – et il n’était pas habitué à avoir de tels sentiments pour qui que ce soit. Mais Stephen était un homme occupé, qui avait fort à faire. Alors Stephen posa sa tasse de café encore à moitié pleine sur le bureau, et s’en alla.

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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:07





Do I love you ?
...


New York, 1950.

« Pardon ?
- Vous ne pouvez pas voir le Docteur Strange. »
Répéta patiemment la jeune femme à l’accueil.

La journée avait pourtant bien commencée, même si Stephen s’était enfui pour travailler avant son réveil. Il y avait quelque chose de doux et de tendre à l’idée qu’il n’avait pas voulu le réveiller, qu’il n’ait pas réclamé l’attention due à sa personne avant de le quitter. Et cela avait emplie Tommy de bonheur, quand bien même il ne l’avait pas encore vu de la journée et que sa secrétaire ne voulait apparemment pas qu’il le voit. Tommy croisa ses bras dénudés, ayant remonté les manches de sa chemise par cette chaude journée ensoleillé, et répondit calmement :

« Je vais l’attendre, ce n’est pas grave. J’ai tout mon temps…
- Vous ne comprenez pas, monsieur Summerfield. Vous ne pouvez pas l’attendre.
- … Pourquoi ne pourrais-je pas ? Je ne ferai pas de bruits, je serais sage, je-
- Vous avez eu votre article sur le Dr Strange, et vous êtes prié de ne plus revenir dans cette clinique expressément pour lui, merci. Votre collaboration est terminée et cela commence à devenir du harcèlement, monsieur. »


Tommy se sentit un peu bête, soudainement. Il décroisa ses bras sans vraiment s’en rendre compte, se maîtrisant autant qu’il le pouvait pour ne pas se mettre à rougir. Cela serait certainement son lot, s’il voulait d’une relation avec Stephen (et dieu sait qu’il en voulait) : devant cacher leur homosexualité aux yeux de ce monde à l’esprit étriqué, sa secrétaire ne pouvait pas savoir qu’il y avait entre eux plus qu’une simple relation professionnelle. Le caractère de Stephen ne devait laisser place qu’à très peu d’ami, et il devait sembler exclu que cela puisse être le cas d’un homme comme Tommy. Il avait une place exclusive dont personne ne se doutait, par parce que personne n’imaginait que deux homme comme eux puissent avoir une relation amoureuse, mais parce que leur différente classe sociale créait naturellement un gouffre entre eux.

« Je…
- Vous pouvez partir. »


Il devait trouver une excuse pour rester, et vite. Il ne pouvait pas l’amadouer, il ne se souvenait pas d’elle : il ne l’avait encore jamais croisé. Evoquer la fois où il avait été traité ici en urgence était proscris, car il ne voyait pas ce que cela lui apporterait de plus, si ce n’est une facture dont il avait gracieusement été exonéré par son très cher Docteur Strange. Mais en réfléchissant, il ne bougeait pas d’un millimètre de l’endroit où il se tenait, et la secrétaire fini par perdre patience :

« Ne m’obligez pas à appeler la police, Monsieur Summerfield.
- Ce ne sera pas la peine, je m’en occupe. »


Stephen venait d’apparaître dans la salle d’attente, et indiqua à Tommy de le suivre d’un signe de tête. Le reporter ne se fit pas prier, gratifiant la secrétaire d’un large sourire. Le chirurgien emmena Tommy jusqu’à son bureau, et referma la porte derrière lui. Il ne fallut pas plus de temps pour que le reporter lui saute au cou, et dans un besoin d’exprimer et d’extérioriser certainement tout ce qu’il ressentait, Stephen s’empara avidement des lèvres qui lui étaient offertes en plaquant le mutant contre la porte. Si Tommy fut surpris, il ne mit pas beaucoup de temps avant de répondre au baiser ; mais le chirurgien recula soudainement, le visage rougit, et s’occupa plutôt de remettre sa blouse en place et d’arranger sa coiffure. Avec un large sourire ravi et rassuré, le jeune homme commença à s’excuser auprès de son aîné pour sa « discussion » avec la secrétaire, ainsi que le fait qu’il n’ait pas pensé que ses collègues ne devaient pas savoir qu’ils ne se côtoyaient pas uniquement pour des raisons professionnelles.

« Tommy… » commença Stephen, avant d’être à nouveau coupé par le mutant : « Monsieur Summerfield ! »

Son ton soudainement sévère fit taire Tommy, qui se demanda alors si les murs étaient aussi fins ici qu’ils ne l’étaient dans son appartement. Il eut une petite frayeur un instant, surtout quand Stephen lui indiqua que c’était lui qui avait demandé à ce qu’on ne réponde pas à ses appels. Si cela manqua de blesser le reporter, il hocha légèrement la tête. Il comprenait.

« Je suis désolé, j’aurai dû réfléchir, mais je me sentais tellement heureux, je n’ai pas pu résister à essayer de te joindre, je n’ai jamais vraiment eu de rela-
- Il n’y a pas de relation. »


Cette fois-ci, Tommy se tendit. Le visage de Stephen était beaucoup trop fermé et impassible pour laisser un peu de place à l’imagination. Le sourire du reporter se fit un peu moins sûr de lui :

« Oui, bien sûr, où avais-je la tête.
- Il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais rien entre nous, Mr Summerfield. Notre collaboration s’arrête ici, merci de ne plus venir nous harceler avec… ça. J’ai obtenu de vous absolument tout ce que je désirai, et je ne souhaite rien de plus que ce que vous m’avez déjà bien sagement donné. »


Cette fois, le mutant se figea. Il avait l’impression que son sang venait tout entier de geler dans ses veines, qu’on ouvrait un gouffre sous ses pieds. Si Stephen continuait de jouer la comédie, il la jouait beaucoup trop bien pour que cela n’affecte pas le jeune homme, bien plus blessé et paniqué qu’il ne le montrait présentement. Il devait s’assurer que le chirurgien ne faisait encore que les couvrir et, avec difficulté, d’une voix étranglée, il demanda doucement :

« Mais… Quand je suis entré, vous m’avez…
- Instinct primaire, la base des fonctions cognitives.
- … Comme cette nuit ? »
la gorge de Tommy se noua, attendant anxieusement la réponse.

Stephen le détaillait tranquillement. Il se souvenait à la perfection de chacun des détails du corps du mutant, de la texture et de l’odeur de sa peau. De son goût, aussi, et de chacune des marques qu’il avait laissées sur son bel épiderme laiteux. Il se souvenait également du plaisir rarement aussi intense qui avait été le sien, que ce soit avant de s’endormir contre le mutant, ou en se réveillant à ses côtés le matin. Le chirurgien croisa les bras et, avec un air parfaitement sûr de lui et même un peu condescendant, il lâcha :

« Oui. »

Ce simple mot eu l’effet d’une bombe sur Tommy. Il avait l’impression de passer d’un extrême à l’autre sur la courbe émotionnelle.

« Vous savez où est la sortie ?
- Oui.
- Bien. »


Stephen referma la porte de son bureau derrière Tommy, qui sorti discrètement, silencieusement de la clinique, sans adresser un regard à la secrétaire, ne voulant pas voir l’air certainement triomphal qui serait peint sur son visage. Il se sentait profondément humilié. Il ne voulait pas se l’avouer, mais si le chirurgien était réellement sérieux, il venait de se faire avoir, et en beauté. Le mutant se sentait presque sale à l’idée que ce qu’ils avaient partagé la veille au soir ne soit que le fruit du plus primaires des désirs du docteur, et non pas celui de l’amour comme il en avait été le cas pour Tommy, qui nourrissait toujours de tendres sentiments à son égard, en dépit de tout. Car il sentait également coupable : il avait cédé. Il s’était promis de ne pas recommencer, de se soigner, de ne plus pêché comme il l’avait fait. Et le pire, c’est qu’il avait apprécié ça, qu’il avait assumé, qu’il était prêt à l’assumer longtemps encore. Toutes ses certitudes s’effondraient alors qu’il rentrait chez lui. Il y avait toujours un espoir qui couvait au fond de lui, l’espoir que Stephen ne joue la comédie que pour les laver de tous soupçons… Mais la conversation qu’ils venaient de tenir l’avait trop profondément blessé pour qu’il n’arrive à se rassurer pour le moment. Il se demandait soudainement si chacune des paroles de Stephen n’avait pas été de doux mensonge, en particulier lorsqu’il lui parlait d’avoir eu un coup de cœur. Le coup de foudre n’existait peut-être pas. Tommy se refusait à croire qu’il avait été ainsi mené par le bout du nez, cela le rendait malade, avec la même force que son âme désirait éperdument aimer Stephen. Et quand il monta lentement l’immeuble jusqu’à son appartement, il ne remarqua qu’à peine les regards en coin, parfois empreint de dégoût, que ses voisins lui lançaient.

♦️♦️♦️


« Qu’est-ce qu’il voulait ? »

Le Docteur Strange attrapa son manteau, ayant laissé sa blouse au vestiaire. Il se figea un instant dans son geste, comme réfléchissant, pesant le pour, le contre. Avait-il réellement envie de donner des informations potentielles sur sa vie privée, personnelles ? Avait-il seulement envie de parler de Tommy et de ce qu’il venait de se passer ? Son cœur ne se serait-il pas, lorsqu’il y repensait ? Le chirurgien enfila son manteau en lâchant un lourd soupire, avant de répondre :

« Homosexuel. »

Les yeux écarquillés et l’air horrifié que pris soudainement la secrétaire ne trompait pas. Elle peignait à elle toute seule un magnifique tableau de la société et de ce qu’elle pensait de l’attirance que pouvait avoir un homme pour un autre.

« Oh, mon dieu. Je n’aurai jamais cru ! Si j’avais su, j’aurai appelé la police je-
- Ne vous inquiétiez pas pour ça, c’est réglé. Pouvons-nous… Evitez ce sujet, à présent ?
- Oh… Vous l’appréciiez ? »


Stephen sourit doucement, mais éluda la question en reprenant son air naturellement supérieur et sûr de lui. Il présenta son bras à la jeune femme ;

« Je vous offre le dîner ?
- Oh, avec plaisir !
- Je connais un restaurant particulièrement agréable, avec une belle vue panoramique et de la délicieuse cuisine française… »





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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:07





Peace of mind is less than never
...


New York, 1950.

Plusieurs jours avaient passés depuis cette catastrophique journée, et Tommy ne s’en était pas vraiment remis. Il avait longuement espéré que Stephen le rappelle, ou revienne le voir à l’improviste, pour s’excuser d’avoir été si dur, d’avoir trop joué la comédie. Il avait envie que le chirurgien lui dise encore qu’il l’aimait, et qu’il soit encore plus sincère qu’il avait eu l’air de l’être en prononçant ces mots une première fois. Tommy avait longuement espéré et longtemps attendu un appel, un signe de vie, avant de se souvenir que Stephen lui avait donné son numéro personnel, un jour. Fébrilement, il avait cherché le morceau de papier qui constituait certainement son dernier espoir. Ce ne fut qu’avec un soulagement mitigé qu’il retrouva le numéro, et avec une nervosité jamais égalé qu’il le composa. Il redoutait presque plus que Stephen décroche plutôt qu’il ne décroche pas : que lui dirait-il ? « Reviens, je t’en supplie, je t’aime » ? Le pire de tous les scénarios étaient peut-être que ça ne soit pas Stephen qui décroche, mais une femme. Heureusement, ce ne fut pas le cas, mais il n’obtint aucune réponse, à aucun de ses appels.

Après plusieurs jours à tenter de le joindre, patient, Tommy baissa les bras. D’autant plus qu’il entendait des murmures sur son passage, ses voisins chuchotant dans son dos en le regardant de haut. Il n’avait pas compris tout de suite ce qu’il lui arrivait, trop recentré sur lui-même et sa peine pour vraiment y prêter attention. Pourtant, il était généralement apprécié pour sa discrétion, sa gentillesse et l’aide qu’il apportait sans rechigner lorsqu’il y en avait besoin. Puis il avait croisé les regards condescendant et, surtout, il avait entendu les murmures. Son aventure avec Stephen n’était apparemment pas passée inaperçue, même si le nom du chirurgien n’était jamais cité, et régulièrement des insultes était crachées dans son dos. Alors, le reporter avait commencé à se défendre. A nier qu’il s’était passé quoi que ce soit avec qui que ce soit, à arrêter de rentrer les épaules et de baisser la tête pour se soumettre au bon vouloir de ces sacro-saints bons citoyens. Il n’avait jamais rien dit à propos de sa charmante voisine ramenant parfois des hommes inconnus dans son appartement alors que son mari n’était pas rentré, était-elle moins coupable ?

Pourtant, au fond de lui, Tommy n’en menait pas large. Il était mort de honte d’avoir succombé au charme attrayant de l’homme qui lui avait fait la cours. D’avoir bafoué les règles de la bienséance. S’il niait devant les autres, au fond de lui, il approuvait chacun des adjectifs dont il était qualifié. Dévergondé. Pervers. Criminel. Après tout, c’était bien de sa faute, c’était lui qui avait succombé, c’était lui qui s’abaissait à être le passif, qui avait emmené le mâle dans sa chambre et entre ses draps. Alors, pour oublier tout ça, le reporter s’enferma dans son travail. Pour oublier le fait qu’il était une erreur de la nature, qu’il méritait largement sa place en enfer, il passait le plus clair de son temps à travailler ses articles, les perfectionner. Même sa passion pour la photo semblait s’être flétrie, l’appareil lui rappelant sans cesse celui qui le lui avait offert.

Et il ne s’en sortait pas trop mal, jusqu’à présent. Il parvenait à garder la tête hors de l’eau, à passer outre les insultes. Le travail fourni était plus que satisfaisant, bien que Stanley s’inquiéta de son état. Tommy parvenait toujours à éluder la question, ne répondant jamais réellement, ne désirant pas s’appesantir sur sa vie privée et, surtout, voulant éviter de penser à Stephen. Plongé dans ses tâches professionnelle et quotidienne, il ne remarqua pas tout de suite que, progressivement, la rumeur de son homosexualité s’était répandu jusqu’au Daily Bugle. C’est en comparant sans vraiment y faire attention, tristement habitué dans son immeuble et même dans son quartier, le regard d’un de ses collègues à celui de sa voisine que la réalité le frappa soudainement. Et cela le cloua sur place, quand il réalisa l’ampleur que tout cela prenait. Lui qui avait réussi à échapper à cette torture une première fois avait décidé de jouer avec le feu. Et il s’était brûlé.

« Oh… Pardon ! »

Une voix féminine le sortie de sa torpeur. Brittany avait percuté Tommy qui s’était arrêté sans prévenir au milieu du couloir. Il rougit légèrement en reculant d’un pas, avant de s’excuser, évitant soigneusement de croiser ce regard qu’il ne voulait pas voir condescendant ; elle posa doucement une main sur son avant-bras et, contre toute attente, lui offrit un grand et doux sourire. Cela lui mit du baume au cœur, car voilà plusieurs jours qu’il n’avait pas eus une telle preuve d’affection. Il releva alors doucement les yeux vers elle en souriant timidement :

« C’est moi qui m’excuse, je n’aurai pas dû m’arrêter comme ça…
- Vous n’avez pas l’air d’aller très bien en ce moment, Tommy. Je pourrais peut-être vous changer les idées ? »


En toute sincérité, Tommy hésita d’abord. A aucun moment il ne se dit catégoriquement qu’il ne voulait pas sortir avec Brittany, parce que dans son profond désespoir, il la voyait soudainement comme une issue de secours. Celle grâce à qui, peut-être, il pourrait faire taire tous les on-dit sur son homosexualité. Elle n’avait jamais été réellement avérée, après tout, les rumeurs avaient simplement pris une ampleur incontrôlable. Il hocha donc la tête :

« Avec plaisir. Il y a un petit bistrot, charmant, sur l’avenue du port… Peut-être… Si vous êtes libre ce soir ?
- Pour vous, je serai toujours libre, Tommy. Disons 19h, près de l’embarcadère pour la Statue de la Liberté ?
- Parfait. »

Elle lui adressa un large sourire ravi, et retourna à son travail. Tommy avait honte de lui-même. A vrai dire, il se dégoûtait un peu : s’il appréciait l’attention de Brittany, il n’avait jusque-là jamais manipulé personne. Et si son invitation à sortir était purement amical, il ne pouvait s’empêcher d’espérer que les autres penserait qu’il avait une idée particulière derrière la tête, et que sa situation s’arrangerait…

♦️♦️♦️

19h. Tommy était nerveux, mais ce n’était pas la même nervosité que lorsqu’il était sorti, la première fois, avec Stephen. Il offrit son bras à Brittany, en galant homme, et la mena jusqu’au bistrot. Cela n’avait rien à voir avec le magnifique restaurant dans lequel Stephen l’avait emmené déjeuner, et il se désolait d’avoir à comparer ce rendez-vous à d’autres qu’il avait pu avoir. Brittany tenta de le distraire en des efforts louables, aussi le reporter finit-il par jouer la comédie pour ne pas la froisser. Cela lui semblait assez horrible de se forcer à s’intéresser à quelqu’un avec autant de ferveur, de prétendre être un homme qu’il n’était évidemment pas, de la complimenter avec toute l’honnêteté et la pudeur dont il était capable. D’accepter, même, sa proposition de terminer la soirée chez lui. Il chassa rapidement l’image d’un autre rendez-vous qui se superposait à celle-ci, alors que – dans son salon – les déhanchés de la jeune femme trahissait ce dont elle avait envie. Et, dans son désir de faire taire les rumeurs, il accéda à ceux de Brittany, l’entraînant dans sa chambre en semant vêtements et baisers sur leur chemin.

Il n’avait qu’une envie ; la jeter sur ce lit, souiller ces draps déjà souillés par ce mal dont on l’accusait. Oublier, effacer toutes traces de Stephen ; Brittany l’attira contre lui, ses petits bras glissés autour de son cou, kidnappait ses lèvres en un baiser profond et langoureux, dépliait ses membres pour caresser le corps de son collègue, prendre sa main pour le guider jusqu’à sa poitrine. Elle lui prodiguait toutes les caresses dont elle était capable, attisait son propre corps aux abois contre le sien. Et ce corps brûlant affolait Tommy. Malheureusement, il l’affolait, littéralement : le mutant était au bord de la panique. Tous ses muscles se tendaient, pétrifié, honteux, tandis que Brittany faisait de son mieux pour essayer de l’éveiller à ses désir. La gorge nouée par le désespoir, Tommy fini par poser un regard mille fois désolé sur la jeune femme.

« Je… Je suis désolé, Bri, je… J’y arrive pas… »

Il était rouge de honte, et ses yeux humides de larmes de frustrations. Dieu sait qu’il aurait aimé pouvoir faire à Brittany ce que Stephen lui avait fait, juste pour se persuadé qu’il pouvait guérir, juste pour que sa vie redevienne enfin plus ou moins paisible et que la seule chose dont il ait à s’occuper était de chasser Stephen de ses pensées, et non plus de se défendre de sa « prétendue » homosexualité. La jeune femme le détailla un instant, avant de laisser son corps se détendre avec un regard à la fois désolé et doux :

« Ce n’est pas grave, Tommy. Je ne t’en veux pas. Dormons. »

Et ce petit Tommy, naïf et innocent, vint dormir près de la femme qui – en réalité – lui en voulait énormément. Si – comme un autre homme, un autre matin – elle partit avant lui en prétextant qu’on avait besoin d’elle plus tôt, il ne se douta pas une seule seconde de quelle machination elle avait fait partie, et quel piège se refermait sur lui. Morose, ressassant sans cesse ses erreurs et ses incapacités, maudissant son impuissance à reprendre sa vie en main comme il le voudrait, à chasser le chirurgien de ses pensées et à satisfaire les désirs de Brittany, il se rendit au Daily Bugle pour se plonger dans son travail et oublier tout le reste, jusqu’à se nourrir.

« Monsieur Summerfield, je suis désolé. » Le reporter releva la tête vers Stanley, avant de cligner des yeux. « Vous êtes renvoyé. Nous ne pouvons souffrir d’avoir un dépravé dans notre équipe. »

Abasourdi, il croisa le regard de Brittany, loin de la douceur dont elle avait fait preuve la veille. Et, une nouvelle fois, le monde s’effondra sous ses pieds.




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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:08





Nothing stops the madness while your nightmare comes to life
...


New York, 1950.

Tommy ne comprenait pas comment sa vie avait aussi rapidement pu devenir un enfer. Il avait l’impression de sombrer un peu plus chaque jour, comme un bateau qui ferait naufrage, coulant sans fin dans les abysses car ayant sombré au-dessus d’une faille. La métaphore faisait froid dans le dos, mais elle semblait convenir parfaitement à la sirène tombant, toujours plus profond, dans la noirceur des ténèbres. L’Homme n’était pas aussi innocent ni aussi bienveillant qu’il l’avait toujours cru. Qu’il avait toujours voulu le voir : tous ceux qu’il avait toujours considérés comme « proche » de lui venaient de lui tourner le dos. Il était seul dans cette ville immense, aux allures soudainement monstrueuse. Le reporter prenait peu à peu conscience de ce que les chiffres des ventes et des sondages, de ce que son métier et sa naïveté lui avait toujours caché : la solitude des hommes dans une ville pourtant pleine de milliers d’âmes. Il ne faisait pas partie de l’élite, comme pouvait l’être Stephen, entouré de sa cours et de ses « amis » répondant toujours présent pour une party. Il ne faisait pas non plus partie des plus miséreux qui, malgré tout, pouvait généralement compter les uns sur les autres. Il faisait partie de cette moyenne, au cercle restreint : mais il n’avait même plus ça, car il était à présent un renégat.

Rejeté par tous ceux qui avaient un jour apprécié le jeune homme et par tous ceux qui avait entendu les rumeurs, qui n’avaient de cesse d’enfler. Bientôt, à son homosexualité s’ajouta l’idée qu’il puisse être un traitre à sa patrie. C’était bien connue que tous les dépravés de son genre fricotait pas seulement avec les hommes, mais aussi avec le communisme ; soupçonner d’espionnage pour le compte de l’URSS, il vit à présent non seulement dans l’inconnu le plus total par rapport à sa situation et à comment l’améliorer, mais également dans la peur que la police ne débarque soudainement pour l’embarquer. Qui sait ce que les forces de l’ordre pourraient lui faire ? Son homosexualité était le prétexte à bien d’autres maux, et personne ne viendrait se plaindre de ce qu’on pouvait bien faire à un dégénéré comme lui. Alors, l’ex-reporter n’ose plus sortir de chez lui, sauf en cas d’extrême nécessité. Pour le moment, il n’en a pas besoin : prévoyant, il a bien quelques semaines de conserves, surtout dans son état (inutile de préciser qu’il n’avait pas vraiment le cœur à manger) et n’avait donc actuellement pas besoin de sortir.

Malgré ça, lorsqu’il devait le faire, pour sortir ses poubelles par exemple, il rentrait la tête dans ses épaules et ne levait plus le regard. Attitude de victime qu’il avait adoptée lorsque les regards noirs et les menaces avaient commencées à se faire trop pressants pour qu’il ne puisse les supporter. Il n’était plus que l’ombre de lui-même, bien loin de ses yeux pétillants, de sa joie de vivre, de ses larges sourires innocents et de son amour pour presque tout. Son appareil photo traînait dans son bureau, et il ne l’avait pas ouvert depuis bien longtemps : même ça ne le réconfortait plus. Parfois, il entendait même ses voisins de paliers l’insulter derrière sa porte, ou cracher sur le morceau de bois qui le protégeait du monde extérieur. S’il ne mangeait presque plus, il ne dormait presque plus non plus ; il passait sa nuit recroquevillé entre ses draps, à pleurer toutes les larmes de son corps jusqu’à ne plus en avoir. S’il réfléchit, et Dieu sait qu’il a le temps de réfléchir, il ne parvient pas à trouver comment il pourrait se sortir de cette situation. Alors il se laissait aller, les yeux rougit, le teint pâle, maigrissant à vue d’œil.

♦️♦️♦️

Stephen regardait d’un air satisfait et un peu hautain son reflet dans son miroir, arrangeant de manière nonchalante – mais totalement calculée – son nœud papillon. Il en avait terminé pour la journée, et avait longuement hésité à inviter à nouveau sa secrétaire à sortir avec lui. Mais il n’en avait pas l’envie, il n’y avait la flamme, l’adrénaline, le besoin. Et il n’allait certainement pas se forcer à faire quoi que ce soit. En effet, Stephen ne se forçait jamais à faire quelque chose qu’il n’avait pas envie de faire, sauf si cela lui permet de raffermir un peu plus sa position de leader et d’homme désiré et adulé. En revanche, il s’empêchait parfois de faire ce qu’il avait envie de faire. Homme complexe, presque double, il n’était pas facile à saisir, et sa raison et son intellect prenaient bien souvent le pas sur ses émotions ou ses désirs. Il y avait des sacrifices à faire pour en arriver là où il était arrivé, et pour garder cette position privilégiée.

« Vous avez lu le journal, Docteur ? »

Il releva lentement ses yeux gris vers l’infirmière, afin de lui montrer qu’il ne lui accordait pas plus d’intérêt que cela et, qu’à l’heure de débaucher, elle avait déjà bien de la chance qu’il daigne l’écouter.

« Non. Pourquoi ?
- C’est à propos de ce journaliste. Celui que vous avez soigné, un soir… »


La phrase et la réalité percutèrent Stephen de plein fouet, même s’il ne montra rien de l’ébranlement intérieur qu’il venait de subir. Il resta droit, impassible, tout en songeant qu’il n’avait plus pensé à Tommy depuis de longues semaines. Sa curiosité est piquée au vif – depuis qu’il l’avait abandonné après avoir obtenu tout ce qu’il désirait, il avait toujours rejeté tout ce qui avait un rapport avec Summerfield, jusqu’à le reléguer au second plan dans sa mémoire et son cerveau sur-employé. Pourtant, il se rendait compte qu’il ne l’avait jamais réellement oublié et que, maintenant, il désirait savoir ce que cet article racontait.

« Il s’est fait renvoyé. Il est soupçonné de sympathiser avec le communisme et serait sodomite. C’est monstrueux, quelle horreur. » Stephen ne bougea, étrangement immobile. Mais, encore choquée par ce qu’elle avait lu, l’infirmière continua sans s’en formaliser : « Et dire qu’il était là ! Je lui ai parlé, et vous… Oh, Docteur, c’est terrible, vous l’avez soigné, côtoyé, il vous a pris en photo et Dieu sait ce qu’il en a fait ! Vous devriez le dénoncer, tout le monde vous croirez si vous disiez qu’il a tenté de vous violer. »

Le chirurgien ne put réprimer le sourire amusé qui avait soulevé ses lèvres. Si elle savait qu’en vérité, c’était plutôt lui qui avait poussé ce pauvre Tommy à succomber aux vices des plaisirs de la chaire. Si elle savait que, lui aussi, quand il en avait envie, il pouvait être « sodomite ». S’amusant ouvertement, il posa une main sur l’avant-bras de la jeune femme. Nul doute qu’elle serait partie en courant et en hurlant « au viol » si ça avait été le geste de Tommy, et non le sien. Pourtant – il le reconnaissait – entre eux deux, c’était certainement lui le pire. C’est certainement lui, le monstre : voilà ce que Stephen se dit en éprouvant, bien malgré lui, un léger pincement au cœur. Il relâcha l’infirmière en reprenant son masque de dédain :

« Je n’ai pas de temps à perdre avec ça, et cela ne s’est jamais passé. Si vous ne me l’aviez pas révélé, je ne m’en serai jamais douté. Et… Ce n’est pas contagieux, vous savez.
- Oh, non, je n’oserai jamais insinuer que vous ayez pu être… Contaminé !
- Allons bon. Il avait l’air d’un charmant garçon lorsque vous l’avez rencontré.
- Oui, certes… »
elle rechignait visiblement à l’admettre. « Vous voulez le journal ?
- A quoi cela me servirait ? Jetez-le. »


Il enfila son manteau en lui tournant le dos, cette fois bien décidé à partir.

« Quoi que. Donnez-le moi. »

La jeune femme suspendit son geste, et lui rapporta diligemment le journal. Stephen le pris mécaniquement, en proie à de soudain doute : il avait bien entendu sa voix réclamer le Daily Bugle mais… Etait-ce vraiment lui ? A aucun moment il ne lui avait semblé vouloir lire quoi que ce soit à propos de Tommy. Il n’éprouvait aucun remord, même s’il ne s’était jamais senti aussi vivant que lorsqu’il enfreignait les règles de la bienséance imposée par la société pour courtiser non seulement un homme mais en plus un mutant. Il ne se sentait nullement coupable, et pourtant en parcourant rapidement les premières lignes de l’article, il avait la sensation que sa tête lui tournait. Il ne voulait plus rien avoir à faire avec Tommy, mais il n’avait jamais autant désiré quelqu’un avant lui. Il avait l’impression que son cœur était gonflé, et cela ne lui plaisait absolument pas : cela l’inquiétait même, le mettait mal à l’aise.

« Ce doit être une forme de stresse. Voilà longtemps que je ne m’étais pas exercé à exposer une démonstration en public. » s’affirma-t-il en ouvrant la porte de sa voiture : il était attendu.




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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:09





If you only knew
...


New York, 1950.


La voiture filait vite sur cette route sinueuse, et le soleil se couchait lentement. Stephen était plus préoccupé par sa discussion avec l’infirmière qu’il ne voulait l’admettre, et soudainement plus intéressé par cet article que par sa conférence. Un soupire passa la barrière de ses lèvres alors qu’il coula un regard vers le journal, posé sur le siège passager. C’était la une du Daily Bugle, sans doute trop heureux de pouvoir révéler une telle affaire et, surtout, se libérer du poids qu’était le coupable pour la réputation du journal. Et le doute s’insinuait lentement dans l’esprit de Stephen, surtout lorsque, entre deux coups d’œil, il réussit à lire « Brittany » et « impuissant » dans une même phrase. Ses sourcils se froncèrent légèrement, et il jeta un coup d’œil à sa montre ; il n’était pas en retard, au contraire. Ralentissant légèrement, il attrapa le morceau de papier pour le poser contre son volant. Sa lecture lui arrachait tantôt des sourires en coin, tantôt de légères grimaces.

Cet article était un ramassis de mensonges. Et il n’était même pas bien écrit. Certainement rédigé par le remplaçant de Tommy Summerfield, trop heureux d’avoir pu s’octroyer cette place de choix : discréditer le plus possible l’ancien journalise était un moyen de s’assurer qu’il n’y aurait pas de retour en arrière possible. Heureusement personne, nulle part, ne faisait mention d’une quelconque mutation. Même si ces rumeurs avaient été infondées, le jeune homme n’aurait eu aucune chance de s’en sortir : la police aurait débarqué chez lui sans sommation, et il aurait subi une batterie de tests. Stephen était d’accord avec lui-même sur le fait que son ancien amant était déjà bien assez embêté comme ça – mais rien que le fait penser ça, d’avoir un peu de compassion pour Tommy, dérangeait Stephen. La raison et les désirs. Il soupira en lançant brusquement le journal sur le siège passager.

Mais son regard s’y reporta bien rapidement. Un instant, il se dit que le reporter aurait pu se tenir assis, là, à la place du journal, loin de tous ces problèmes. Avec un grand sourire innocent, ses yeux pétillants de joie, épanouie sentimentalement – et peut-être même sexuellement. Il l’aurait regardé avec plus de fierté que n’importe qui n’en avait jamais eue pour lui, et aurait certainement fait un excellent article pour continuer à encenser son amant. Le léger sourire qui était apparu sur le visage de Stephen mourut rapidement. Le mutant n’était pas là. Il était certainement enfermé chez lui, s’il n’avait pas déjà été emmené par la police. Il ne pourrait plus jamais se tenir là ; un horrible sentiment s’empara alors du chirurgien, qui n’avait jusqu’alors jamais rien ressentit de tel. Il réfléchissait, rapidement : peut-être y avait-il une solution. Peut-être y avait-il un moyen de faire taire ce sentiment de mal-être qui naissait chez lui, de sauver Tommy de l’enfer dans lequel il l’avait plongé. Son rythme cardiaque s’accéléra brutalement : oui, il y avait un moyen, il en était sûr. Un grand sourire s’étendit sur son visage alors qu’il savait comment rendre à son amant sa crédibilité : il allait démentir, il allait le soutenir. Il allait arranger tout ça. Il arriverait en retard à sa conférence, mais il n’arriverait pas seul.

Stephen tourna brusquement le volant, s’arrachant à ses réflexions, pour faire demi-tour, direction l’appartement de Tommy. Il se sentait soudainement si léger, presque heureux. Rien n’était encore joué, mais il éprouvait un soudain optimisme dont il n’avait pas l’habitude. Il avait fait taire sa raison pour écouter ses désirs, des désirs profonds, pas ces envies frivoles et passagères. Il voulait réparer ses erreurs, et il était persuadé qu’il saurait se faire comprendre. Il était même tout à fait disposer à ne pas aller à cette conférence pour faire l’amour à Tommy toute la nuit – mais il se souvint que le mutant n’aurait certainement pas la tête à cela. Tant pis, ils auraient d’autres moments : il s’expliquerait, et il savait que le jeune homme le pardonnerait, parce qu’il était si doux. Il était si doux, si gentil, il était comme une lumière en pleine nuit, comme le phare d’un bateau agité par la houle, il était son salut.

Un bruit de klaxon, fit sursauter Stephen, le tirant de ses pensées. Il eut à peine le temps de relever les yeux vers son rétroviseur qu’une autre voiture, arrivant en face, le percuta de plein fouet alors qu’il avait braqué sa propre automobile pour faire un demi-tour brusque, en dérapant sur le goudron pour ne pas perdre de temps. Stephen eu un baptême de l’air, suivit d’un baptême de mer gratuit : après avoir chuté de quelques mètres, la voiture se coinça entre deux rochers, à moitié immergée.

♦️♦️♦️

La tête rentrée dans les épaules, Tommy remontait lentement les escaliers de son immeuble. Il avait fait beau toute la journée, et il avait tenté de sortir pour se changer les idées. Mais, arrivé sur le trottoir, il avait fait demi-tour. La situation lui échappait totalement, il avait besoin de se raccrocher à quelque chose sans jamais trouver à quoi. Les mains qu’on lui tendait n’étaient qu’un prétexte pour mieux le repousser, et il était devenu l’ennemi public numéro un du quartier, ou du moins de l’environnement proche de l’immeuble. Il ne parvenait pas à travailler sur lui-même, il ne parvenait pas à avancer parce qu’il ne parvenait pas à oublier Stephen. Le chirurgien venait hanter ses nuits de la pire des manières possibles : parce qu’il ne parvenait pas à le haïr, dès qu’il pensait l’oublier, il se rappelait à son bon souvenir. Ses traits parfaits, sa voix grave et envoutante, ses mains douces et fortes à la fois. Il s’en voulait, lui et lui-même, pour avoir cru qu’il y avait quelqu’un pour l’aimer, pour partager ses sentiments : il s’en voulait d’en avoir désiré plus que ce qu’on lui avait proposé, pour n’avoir pas su se contenter de ce qu’on lui avait offert.

Il était loin de se douter de ce qu’on racontait sur lui dans le Daily Bugle. En fait, il s’en doutait, un peu, mais il ne lisait plus rien. Le mutant ne savait pas non plus que Stephen, dans un éclair de lucidité et de remord, avait fait demi-tour dans le but de le sauver, tel un chevalier servant sur son beau destrier blanc. Il savait que s’il le voyait, il craquerait. Parce qu’il avait, malgré lui, besoin de cet homme. Parce qu’il était la seule bouée à laquelle il accordait un peu de crédit, en dépit du fait que c’était précisément de la faute du chirurgien s’il était dans cette situation. Lorsque Tommy posa la main sur la poignée de sa porte, il fut violemment tiré par le col et jeté à terre. Une pluie de coups s’abattit sur lui, et il eut à peine le réflexe de se recroqueviller pour se protéger. Il ne gémissait plus, il n’implorait plus ; il ne sut combien de temps cela dura, et il ne sut pas non plus combien de temps il fut laissé pour mort, paralysé, devant la porte de son appartement, avant d’avoir la force d’y entrer.

Stephen ne viendrait pas, pas parce qu’il n’avait pas voulu venir, mais parce que le destin l’en avait empêché – mais Tommy ne le saurait pas, et il se demanderait simplement pourquoi il n’avait pas succombé à tous les coups qu’on lui avait donné, pourquoi est-ce que la vie refusait de le quitter.

♦️♦️♦️

La lumière au-dessus de lui est bien trop blanche, et sa tête lui tourne un peu. Les sons semblent provenir de loin, et sa vision est floue ; avec une grimace, il tente de se concentrer sur ce qui l’entoure. Soudainement, c’est une agression de bruit et de formes, trop précis et trop nets pour ses tempes qui hurlaient au martyr. Un violent mal de crâne le terrassa quelques instants, et il referma immédiatement les yeux, en profitant pour faire un point : il souffrait, tout son corps le faisait souffrir. Dans l’immédiat, il ne parvenait plus à se souvenir de ce qui s’était passé, et trop y réfléchir ferait certainement revenir sa migraine au galop.

« Docteur Strange ? Il s’est réveillé ! Apportez-lui de la morphine ! Vite ! »

Stephen lâcha un grognement en voulant se mouvoir un peu, mais il se rendit rapidement compte que ses mouvements étaient entravés. Il tentait de refaire le chemin dans sa tête, mais tout lui semblait… Non satisfaisant. Il se souvenait de sa discussion avec l’infirmière, du journal pris avant de conduire en direction de sa réunion. Que s’y était-il passé ? A vrai dire, le chirurgien ne se souvenait même pas y être arrivé. Il lui faudra encore quelques minutes avant que la morphine injecté dans son corps ne le tranquillise et n’apaise ses douleurs. Il s’autorise enfin à ouvrir les yeux, à prendre conscience de son état. Il était dans un état déplorable, mais ce qui choqua le plus Stephen, ce qui lui fit écarquiller les yeux et gémir d’une manière si pathétique qu’il aurait eu honte de lui, ce fut l’état de ses mains.

« Qu’est-ce que…
- Un accident de voiture, Stephen. »


Ses yeux passèrent lentement de ses mains inutilisables à l’infirmière qui venait de prendre la parole. Ce regard si compatissant, emplie de pitié… Il avait envie de lui cracher à la figure et de la renvoyer. Une sourde colère s’empara soudainement de lui, d’abord dirigé vers lui-même et ce stupide accident de voiture, mais surtout sur ceux qui l’avait rafistolé. Occultant tout le reste, il se renfrogna :

« Qui a fait ça ?
- Nous avons dû être rapide, les nerfs étaient-
- QUI ? QUI A FOUTU MA VIE EN L’AIR ? »
Toutes les personnes présentes se figèrent, et aucune n’osa lui répondre. « Je ne pourrais plus jamais opérer ! Jamais !
- On ne pouvait pas faire autrement. La voiture est sortie de la route, et… »


Stephen ferma les yeux. Tous les détails lui revenaient : son demi-tour empressé et imprudent, et les raisons qui l’avaient poussé à vouloir revenir vers New York. Il fut un instant tenté de rejeter la faute sur Tommy mais, à vrai dire, il rejetait la faute sur absolument tout le monde. Il ne savait pas ce qui allait advenir de lui, et cela prenait à présent le pas sur ce qu’il pouvait advenir de celui qu’il avait héroïquement voulu secourir. Il se renferma sur lui-même et les semaines qui suivirent furent intense pour le chirurgien qui se fit subir de nombreuses opérations, dans l’espoir de retrouver l’usage de ses mains. Il semblait que rien ni personne ne pourrait l’arrêter dans sa recherche de la guérison hormis, peut-être, sa fortune qu’il dilapidait petit à petit et qui commençait sérieusement à manquer…



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...


New York, 1950.


Stephen était épuisé, aussi bien moralement que physiquement. Les opérations qui s'étaient enchaînées n'avaient donné aucun résultat concluant ; mais si elles n'avaient pas guérie ses mains, au moins ne les avaient-elles pas endommagées plus qu'elles ne l'étaient déjà. Quoi que cela n'aurait pas fait grande différence aux yeux de l'ex-chirurgien, ses mains étant ses plus précieux outils de travail. S'il ne pouvait plus s'en servir, c'était comme si on l'avait amputé, elles n'avaient plus aucune valeur jusqu'à ce qu'on réussisse à leur rendre leurs entières capacités. Sans précision, il n'était rien : ses mains étaient sa mine d'or, et il arrivait au bout de ses réserves. Absolument aucune médecine moderne, ou moins moderne, n'avait fonctionné. Il restait handicapé, frustré, déprimé. En colère, profondément en colère, contre celui qui l'avait charcuté – sans reconnaître qu'il n'y avait que ça à faire – en colère contre le conducteur qui n'avait commis aucune faute, en colère contre lui-même, aussi, un peu, de manière assez inconsciente. Il ne voulait pas avouer que l'erreur venait entièrement de lui, car cela signifierait également avouer que cet accident venait de la décision qu'il avait prise. Se décider – enfin – à retrouver Tommy et l'aider à supporter ce poids qu'il lui avait mis sur les épaules (toute cette histoire d'homosexualité n'étant, au fond, qu'un dommage collatérale de son petit jeu d'alors) était de loin la meilleure décision qu'il ait pris, depuis un long moment. Et, malgré cela, le Destin se jouait de lui en punissant son impulsivité. Si Destin il y avait. Aurait-il dû continuer à fermer les yeux ?

C'est ce qu'il fit sans réellement s'en rendre compte les semaines qui suivirent son accident. Mais il était, cette fois, pardonnable : la multitude d'opération qu'il avait subit depuis, et les voyages qu'il avait entreprit pour, ne lui avaient pas laissé l'occasion de pouvoir penser à quoi que ce soit d'autre que son handicap et l'incapacité qu'avait le monde à le soigner. Il ne lui restait plus que le mystique. Il avait tout fait pour éviter de tomber dans tout ce qui semblait surnaturel : mais après avoir tout essayé et dilapidé sa fortune, il ne lui restait plus que cet espoir là. Il avait terminé de vider son compte pour prendre un aller simple pour le Tibet, sans même penser à son retour sur le Nouveau Monde : il ne se faisait pas trop d'illusions, et il ne pensait pas rentrer si jamais ses mains ne lui étaient pas rendu. Les préparations pour cet ultime voyage lui avait au moins permis de se poser, un peu. De souffler, de penser à autre chose que l'injustice accablante dont il se pensait la victime : et, presque naturellement, il se dirigea vers un petit coffre, dans sa chambre. Son derniers recours, quelques bijoux. Sa boîte à trésor, dont il vendrait le contenue si cela s’avérerait nécessaire. Mais au milieu des objets d'or et d'argent, il attrapa un cliché volé, qu'il avait soigneusement rangé ici il y a quelque mois de cela. Il avait été impulsif, ce jour-là, lorsqu'il avait volé à Tommy l'une des photos qui pendaient dans son bureau. Il s'agissait du seul cliché qui ne représentait pas l'ex-chirurgien, mais bien le mutant.

Il s'en souvenait parfaitement. Tommy dormait toujours, le visage encore serein. Stephen s'était levé pour se faire un café, et s'était habillé en silence. Ne désirant pas réveiller son amant d'un soir, il avait erré dans l'appartement, appréciant – ou l'inverse – du regard le lieu dans lequel vivait le jeune homme. Il avait terminé dans son bureau, a regardé tous les clichés qui avaient séchés. Et, il n'aurait su dire pourquoi, tout en sachant pertinemment qu'il allait quitter l'appartement pour ne jamais y revenir, qu'il ne désirait plus la compagnie du mutant même s'il avait rarement pris autant de plaisir qu'avec lui, il avait volé cette photo, posé son café pas totalement bu sur le meuble et était partie comme un voleur. L'expression était totalement approprié. S'asseyant dans son fauteuil, Stephen observa le cliché avec un soupire. Il se rendait compte que, s'il avait écouté son cœur pour une fois, s'il avait suivit son instinct, il n'en seraient pas là. Tommy non plus. S'il n'était pas parti, s'il ne l'avait pas rejeté, ils auraient été ensemble à cette conférence. L'un de ne se laisserait pas dépérir, couvert d'insulte et de coups, et l'autre ne serait pas handicapé, incapable de continuer à exercer. Tout ceci était peut-être le concours de malheureuses circonstances, mais tout cela était également de sa faute. Plus il s'en rendait compte, plus il s'en voulait. Un sursaut d'ego lui arracha une grimace ;

« Romanoff ! »

Une jeune femme rousse, tout de noir vêtu, entra rapidement dans la chambre. Elle avait un holster et un pistolet chargé à la cuisse et un talkie-walkie à la hanche, éteint pour le moment. Natasha Romanoff faisait partie de la garde du docteur Strange, et lui rendait occasionnellement service. Comme elle allait le faire.

« Tommy Summerfield. Vous vous souvenez ? »


La jeune femme eut un sourire en coin, vaguement amusé. Oui, elle se souvenait même très bien de la fois où elle avait dû accompagner le chirurgien au Daily Bugle pour l'observer flirter avec sa proie. Elle oubliait difficilement les visages, alors oublier le journaliste qui avait fait le scandale à cause de son employeur ? Difficile. Comme il était presque difficile de croire la demande de Stephen :

« Emmenez-le moi. Je dois le voir, absolument. Il n'y a pas à discuter.
- Bien, Monsieur. Puis-je emmener Barton avec moi, ou dois-je y aller seule ? »


Stephen leva les yeux vers elle avec une moue indécise. Puis il eu un mouvement de la main et haussa légèrement une épaule.

« Prenez Barton avec vous si ça vous chante, je veux juste voir To-Monsieur Summerfield. »

oOoOo


Tommy avait fermé les yeux. Le vent frais qui fouettait son visage lui arracha un imperceptible sourire, tandis qu'il s'imaginait sans peine flotter sur le vent comme il le faisait dans l'eau. La brise lui donnait un sentiment de liberté qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps, et il se demanda un instant si cela était réellement dû au vent, où à la décision qu'il avait finit par prendre. De même, il n'aurait su dire si le plus difficile pour lui avait été le fait d'être abandonné par Stephen et la société, ou par ses parents. Tommy ne savait pas vraiment si cela avait un rapport avec ce dont on l'accusait, mais voilà des semaines qu'il n'avait pas reçu de nouvelles d'eux en dépit des quelques lettres qu'il leur avait envoyé lorsqu'il était en mesure de sortir de chez lui. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il observa New-York qui s'étendait devant lui. Cette vision l'émerveillait, et il se demanda pourquoi il n'était pas monté sur le toit plus tôt. Il se demanda aussi comment il avait réussi à sortir de son appartement pour se faufiler ici. La force du désespéré. Je n'ai plus rien à perdre Il soupira un peu, et jeta un coup d’œil au sol, qui lui semblait bien bas. Est-ce que je vais avoir mal ? Il paraît que tout le monde ne meurt pas sur le coup. Ô, j'aimerai mieux ne pas avoir à souffrir plus... Un rictus déforma les doux traits de son visage en pensant que s'il ne mourrait pas sur le coup, il atterrirait peut-être à la clinique du Docteur Strange, et Stephen pourrait voir son œuvre en face. Mais il ne tirait aucune joie de cette pensée et, au contraire, son cœur se serra dans sa poitrine, et il secoua doucement la tête.

Il hoqueta lorsqu'une voiture qu'il ne connaissait que trop bien tourna à l'angle de sa rue et se gara un peu n'importe comment sur le trottoir. Il l'avait guetté tellement de fois qu'une boule se forma dans sa gorge, même lorsque ce ne fut pas son propriétaire qui en sortie. Il fit une femme rousse lever le visage vers lui, et le montrer du doigt en disant quelque chose à son compagnon, avant qu'ils ne se ruent à l'intérieur. La panique envahit peu à peu le mutant, qui avait enfin trouvé la paix avec lui-même dans la pensé de quitter ce monde pour ne plus avoir à souffrir. Il ferma les yeux, son cœur battant à tout rompre en grimpant sur le rebord du toit. Il hésita un instant, puis se décida à franchir le pas ; il avait mûrement réfléchit, brassé cette idée dans sa tête depuis des jours et des jours, n'en avait pas dormi. Il allait enfin pouvoir dormir. Tommy se senti basculer, mais pas dans le sens escompté ; il ouvrit brutalement les yeux avec un couinement alors qu'il était maîtrisé et retenu par la femme rousse qu'il avait vu sortir de la voiture de Stephen.

« Barton ! » aboya-t-elle « Range ton flingue idiot, c'est pas une menace. Et toi, tu ne sautes pas, d'accord ? Tu ne sautes pas. »

Tommy hoqueta en hochant lentement la tête, et elle le relâcha. Alors, il s'effondra, prenant son visage entre ses mains pour pleurer bruyamment. Choqué, la vie avait réussi à s'immiscer de nouveau entre les mailles du filet que ses envies suicidaire avaient tissé pour garder son instinct de survie prisonnier. Il se rendait compte de ce qu'il avait manqué de faire, et s'en choquer lui-même. Même s'il avait de plus en plus de mal à supporter toutes les souffrances qui lui était à présent quotidiennes et familières, il avait toujours tendrement aimé la vie. Natasha lui laissa le temps de se calmer, avant de s'accroupir devant lui en se présentant pour le tranquilliser. Elle tentait de se montrer douce et patiente, même si elle devait avouer avoir plus envie de secouer cette petite chose frêle et fragile pour qu'il se reprenne en main plutôt que de le ménager. Mais elle avait conscience qu'elle ne pouvait pas non plus réellement imaginer par où il en passait actuellement, même si elle-même avait eu une enfance difficile. Et, malgré l'air brisé de l'ancien journaliste, son corps maigre, son teint malade et les diverses marques de coups qu'il arborait, elle pouvait comprendre pourquoi Stephen, alors même qu'il avait tout fait pour s'en détacher, ne parvenait pas à passer à autre chose. Il y avait dans ce Tommy une gentillesse et une douceur qui transparaissait au-delà de sa souffrance et qui était ce qu'il semblait cruellement manquer à l'ex-chirurgien presque sur la paille.

« Tommy... Vous devez venir avec nous.
- Pourquoi ? Pour aller où ? »


Il eu un soudain mouvement de recul, et son dos percuta le dénommé Barton qui s'était placé derrière lui, apparemment assez peu serein avec l'idée que leur « cible » puisse décider de tenter à nouveau de sauter du toit. Natasha lança un regard à son collègue.

« Clint ?
- Dis-lui. »
il eut un léger sourire « Sinon il va croire qu'on est là pour... Tu sais. »

Natasha arqua un sourcil, puis secoua légèrement la tête lorsqu'elle vit Tommy pâlir plus qu'il ne l'était déjà, ce qu'elle n'aurait jamais cru possible. Quoi que, tant que son teint terreux ne verdissait pas plus, elle ne s'inquiéterait pas trop. Si elle hésitait à lui révéler la raison de leur présence, c'est qu'à ce stade-là, Summerfield pouvait réagir de deux manières différentes. Ou exultait de joie de voir les braises de tous ses espoirs ravivé, ou... Fuir. Elle ne lui en voudrait pas de fuir son employeur ; elle le comprendrait même, vu ce à quoi il était confronté par sa faute. Elle espérait simplement pouvoir mener sa « mission » à bien : elle n'avait jamais échoué. Néanmoins, la jeune femme avait bien fait comprendre à Clint que si Tommy ne désirait pas venir, elle ne l'emmènerait pas de force ; Stephen ne le leur avait jamais demandé, et il lui restait encore un peu d'humanité pour ne pas jeter cet agneau sans défense dans la gueule de son loup.

« Le Docteur Strange désire vous voir. Il veut même... Absolument vous voir. »

Ce fut d'abord l'espoir, un espoir tinté de joie qui s'illumina dans le regard de l'ex-journaliste, et qui détendit un peu la rousse. Mais rapidement, c'est une explosion de colère qui apparu dans ses traits ; il repoussa l'agent Barton et recula de quelques pas, en direction de la porte :

« Je n'irai pas.
- Tommy...
- Non ! »


Il ouvrit la porte, et les deux agents s’engouffrèrent dans le bâtiment à sa suite. Natasha se chargea de rattraper le jeune homme, tandis que Clint décida de jouer la carte du faux lieutenant pour ordonner à ses voisins de cesser de le battre car, jusqu'à preuve du contraire, s'il n'était toujours pas en prison, c'est que les rumeurs à son sujet n'avaient jamais été confirmé et qu'il était donc innocent. Sans qu'il ne le sache réellement, l'intervention de  Clint allait adoucir quelque peu la vie du mutant dans les jours qui allaient suivre ; et si on le soupçonnerait encore, les démonstrations de leur dégoût seraient nettement moins marqué, le doute subsistant dans leur esprit.

« Monsieur Summerfield, s'il vous plaît, le Docteur Strange a eu un grave accident de voiture, il doit partir pour le Tibet, il tient à vous parler avant son départ. »


Tommy se figea, la porte de son appartement entrouverte. Il écarquilla légèrement les yeux, bien plus inquiet qu'il ne voulait l'admettre. Il n'était au courant de rien, puisqu'il ne lisait plus aucune dépêche et que ses voisins ne lui adressaient plus la parole que pour lui cracher des insultes. Le jeune homme se sentit défaillir, et une profonde tristesse s'imprima dans son regard. Pourtant, il répondit avant de claquer la porte :

« Je ne veux pas le voir... Je ne veux plus le voir. Il a détruit ma vie. »

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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:10





Prepare yourself for the reckoning for when your world seems to crumble again
...


New York, 1950.


Lorsqu'il eut claqué la porte, Tommy attendit derrière, quelques minutes. Il n'y eut d'abord aucun bruit, aucun mouvement, puis il entendit les pas légers de la dénommée Natasha et ceux, plus lourds, de son coéquipier, descendre les escaliers. Retenant son souffle, il guettait un retour de bâton, les deux agents revenant sur leurs pas pour l'embarque de forces, ou ses voisins l'insultant copieusement après ce qu'ils venaient de voir. Mais rien ne vient, absolument rien. Alors, le jeune homme recula prudemment, et se laissa tomber sur son canapé. Il avait du mal à croire ce qu'il venait de faire. Quelque part au fond de lui, il éprouvait une certaine fierté à s'être rebellé. Il avait sentie une petite flamme remuer en lui, s'agiter et le lancer à nouveau sur le bon chemin ; il ne savait pas s'il était fier d'avoir résister à cette proposition en particulier, mais il se laissait faire depuis trop longtemps et se dresser contre quelqu'un était une petite victoire en soi. Du reste... Si le chirurgien s'était déplacé en personne, il n'aurait sans doute pas su lui dire non. L'ex-journaliste ne savait pas trop comment il aurait réagit, car il avait depuis longtemps abandonné l'espoir de le revoir un jour, ou d'avoir de ses nouvelles. Il fallait croire qu'il s'était trompé, et que – cette fois – c'était lui qui avait mis « son amant d'un soir » à la porte, ironiquement. Il passa une main sur son visage fatigué et sur sa barbe naissante teinté de blanc. Depuis combien de temps n'avait-il pas laissé le gêne réparateur de sa forme aquatique s'occuper de son corps ? Trop longtemps, à en juger par le reflet qu'il aperçu dans le miroir en se levant.

Il ressemblait à une tige, ni plus, ni moins. Il n'avait jamais été bien gros, ni musclé, mais s'il avait été fin, il était à présent maigre. Son regard fatigué semblait avoir pris de nombreuses années, ajouté à sa souffrance morale et physique. Sa peau avait une étrange teinte pâle tirant vers le verdâtre, la couleur un peu glauque des malades qui ont abandonné tout espoir de guérir – ce qui était un peu son cas, jusqu'à il y avait une poignée de minute. Plusieurs marques apparaissaient sur son corps, mais le pire fut lorsqu'il se dévêtit après avoir fait couler l'eau du bain. Il ressemblait à dégradé de bleu, du violet jusqu'à une teinte plus clair, allant vert le jaunâtre pour finalement se confondre avec son air maladif. Il grimaça légèrement, se disant qu'il faisait réellement peine à voir, et se glissa dans l'eau. Ses jambes se réunir pour former une queue écailleuse de poisson, et il ferma les yeux. Il ne pensa d'abord à rien, profitant du bien-être que lui procurait l'eau. Comment avait-il fait pour y résister si longtemps ? Son corps, petit à petit, commença à se réparer de lui-même et, lorsqu'il sortie de sa baignoire de longues minutes plus tard, il ressemblait déjà plus à ce qu'il était lorsqu'on l'avait renvoyé du Daily Bugle, de nombreux kilo en moins et la fatigue morale toujours présente.

Ce fut après avoir douloureusement avalé quelques morceau de viandes séchées que  Tommy s'autorisa à penser à tout ce qui venait de se passer. Il frémissait en repensant à sa tentative de suicide, cette envie l'ayant totalement quitté. Il repensa à ces dernières semaines en se glissant sous ses draps sales, et s'ordonna mentalement d'aller faire une machine le lendemain. Puis, alors qu'il fermait les yeux, les paroles de la rousse, qui l'avait cloué sur place et que son esprit avait ensuite mis de côté pour son propre bien, lui revinrent en mémoire. Brutalement, il se souvint de chacun des mots qu'elle avait prononcé. « le Docteur Strange a eu un grave accident de voiture, il doit partir pour le Tibet ». Il en eu le souffle coupé, et il lui sembla qu'un poids comprimait ses poumons pour qu'il ne puisse inspirer que le minimum vital d'air. Stephen avait eu un accident grave ? Il n'en avait rien su. Évidemment, puisqu'il ne sortait plus, et que ses voisins n'allaient certainement pas venir partager ce genre d'information avec lui. Il chassa rapidement l'idée que le chirurgien risquait de perdre la vie, auquel cas on ne l'enverrait pas au Tibet. Pourquoi désirait-il le voir, avant de partir ? Son cœur s'emballa en imaginant que tout cela n'était qu'un coup monté et qu'il désirait en réalité s'échapper avec Tommy, ayant trouvé un moyen pour eux deux de vivre heureux. Mais il se calma rapidement, et pensa plus sobrement qu'il lui aurait peut-être présenté quelques excuses. En réalité, il n'avait aucune idée de ce que pouvait lui vouloir l'homme après tant de semaines, et il se rendit compte qu'il ne le saurait peut-être jamais, puisqu'il avait refusé son entretien. Il fut hanté et tourmenté par cette décision toute la nuit, bien avant et longtemps après avoir décidé de se rendre à la clinique dès son ouverture.

Lui qui pensait être enfin en paix avec lui-même et pouvoir trouver le repos, lui qui pensait avoir réussi à tourner la page, et qui avait même pensé entrevoir un renouveau grâce à son acte de rébellion quelques heures plus tôt, il avait l'impression de se tenir à nouveau en équilibre sur une corde au-dessus d'un gouffre, après avoir passé des jours à tenter de remonter la pente pour finalement y être arrivé, très difficilement. Le mutant avait pourtant conscience qu'il suffisait du plus infime des coups de vents pour qu'il tombe à nouveau au fond du trou, qu'il se brise comme un château de carte, encore. Il tenta de ne pas penser à tout ça, de se convaincre que tout allait doucement s'arranger. Il n'y avait eu aucune insulte, aucun tapage cette nuit, ce qui était déjà un petit exploit en soi. Il aurait pu dormir tranquillement, si ce n'était pas ses propres démons qui étaient revenus le hanter. Il finit par s'endormir, tard dans la nuit, et son réveil sonna bien trop tôt l'heure de courir après l'homme qui habitait à la fois ses rêves et ses cauchemars.

oOoOo

Tommy s'était habillé du mieux qu'il pouvait, avec ses vêtements les plus propre et les plus chic. Il avait eu le bon goût de ne pas mettre le costume que Stephen lui avait offert, quoi que ce n'était pas l'envie qui lui avait manqué. Il était sorti avec crainte et détermination, mais à part quelques regards noirs, personne ne vint l'embêter. Il lui semblait que cela faisait une éternité qu'il n'était pas sorti, qu'il n'avait pas senti les rayons du soleil sur sa peau, le vent frais sur son visage – pas le vent du toit de l'immeuble. Même la fumée des pots d'échappements, les odeurs et les bruits de la ville lui avait manqué. Il regretta tout à coup de ne pas avoir pris son appareil photo, mais balaya cette idée sauvagement d'un légèrement mouvement de la tête. Photographier quoi ? Il n'était pas là pour passer du bon temps, et il n'en avait de toutes manières pas réellement envie, mais son regard entraîné remarquait au premier coup d'oeil les beautés cachées de New York. Pas de toute sur le fait que cette sortie lui faisait du bien, et bien plus qu'il ne pouvait s'en rendre compte.

Il arriva trop vite à la clinique – ou pas assez, selon le point de vue – et piétina un instant devant les escaliers menant à la porte d'entrée principale. Après une grande inspiration, Tommy y entra finalement. La dernière fois qu'il y était venu, il s'était à la fois fait froidement rejeté par la secrétaire et par Stephen, et il espérait que cette expérience douloureuse n'allait pas se réitérer. Il croisa le regard soupçonneux de la femme derrière le comptoir, mais il ne la connaissait pas, et elle ne semblait pas le connaître plus que cela. Ce n'était en tous cas pas celle qu'il avait pu croiser à l'époque, et qui devait par conséquent tout connaître du scandale qui avait éclaté autour de lui : tant mieux, c'était toujours ça de gagner. La jeune femme brune rehaussa ses lunettes sur son nez, et l'observa. Elle semblait le juger plus à cause de sa tenue et de l'image qu'il dégageait que de sa possible homosexualité ; elle ne savait peut-être même pas qu'il en était un et il trouva cela réellement reposant. Ne pas avoir à se justifier encore et encore face à des personnes aussi fermé d'esprit qu'une moule...

« Vous désirez ?
- Hum... J'aurai voulu voir le Docteur Strange, s'il vous plaît. »


La jeune femme pris un air surpris, et fit un signe dans le couloir sur sa droite, et donc à gauche de Tommy, avant de reporter son regard sur lui. Elle sourit doucement, avec une certaine compassion :

« Alors, c'est vous, Monsieur Summerfield ? Il avait prédit que vous viendriez, mais que vous viendriez trop tard.
- Trop tard ?
- Oui. Le Docteur Strange a pris l'avion pour le Tibet aux premières lueurs de l'aube. Je suis désolée... »


Tommy hocha légèrement la tête, évitant douloureusement le regard de la secrétaire en la remerciant à voix basse. Comme il lui tournait le dos pour sortir, il ne vit pas la femme rousse qui sortie du couloir en soupirant pour se diriger vers lui. Elle le rejoignit sur le trottoir, posant une main sur son épaule pour qu'il se tourne vers elle, ce qu'il fit dans un sursaut.

« Oh... J'aurai dû vous écouter.
- Vous aviez vos raisons. Et je pense qu'il méritait qu'on le remette un peu à sa place.
- Mais maintenant, il est parti... »


Natasha ne s'était pas attendu à ce la voix du jeune homme se brise et à ce que ses yeux s'emplissent de larmes. Elle ne savait pas vraiment comment gérer ça et, légèrement gêné, elle haussa vaguement une épaule en se raclant la gorge :

« Il m'a demandé de vous attendre. Il savait que vous viendriez, et... Je suis là.
- Ce n'est pas vous que je voulez voir, sans vouloir vous offenser...
- Oh, ça, je l'avais bien compris. »
Elle sourit légèrement « Ca va aller ?
- Il était... Blessé, comment ?
- Assez gravement. Il a quasiment perdu ses mains, et donc il a perdu son job. Ca l'a rendu fou, et le Tibet est son dernier espoir de retrouve l'usage de ses mains. »


Comme Tommy baissait la tête, Natasha pris une grande inspiration, et décida de faire ce qu'elle faisait le mieux : mentir.

« Il va revenir, Tommy. Le Docteur Strange m'a demandé de vous le dire : il va revenir. Il vous le promet. Tâchez de survivre jusqu'à son retour, et soyez patient. »

La jeune femme lui sourit légèrement lorsqu'il releva la tête vers elle en chassant ses larmes. Son regard s'illuminait de nouveau, et elle pouvait constater avec un certain étonnement qu'il avait meilleure mine que la veille. Il hocha la tête assez vigoureusement, et lui promis d'être patient. Elle venait de lui donner un but, et elle espérait qu'elle n'avait pas eu trop faux. Lorsqu'il disparu à l'angle d'une rue, elle secoua légèrement la tête et retourna à l'intérieur.

oOoOo

Stephen regarda par le hublot avec une certaine mélancolie. Le refus de Tommy avait été un choc pour lui, il n'aurait pas cru le mutant capable de ne pas le rejoindre. D'un autre côté, cette réaction était rationnelle et logique, après ce que le jeune homme avait subit par sa faute. Et les événements détaillés relaté par Romanoff ne l'avait pas vraiment détendu. Il aurait aimé partir, sinon avec l'ex-reporter, au moins l'esprit tranquille, et l'imaginer tenter à nouveau de sauter du haut de l'immeuble n'était pas ce qu'il appelait « partir avec l'esprit tranquille ». Il avait demandé à Natasha de surveiller les réactions de Tommy s'il se rendait à la clinique, mais savait pertinemment qu'il n'aurait pas de retour, tout simplement parce qu'il n'avait aucun moyen de communiquer pour le moment. Avec un soupire, il regarda ses mains qui le lançaient. Il ne savait pas dans quoi il s'embarquait, mais il espérait que cela s’avérerait payant. Avec un peu de chance, il aurait l'occasion de rentrer assez vite et, pourquoi pas, de confronter Tommy en bonne et dû forme, une bonne fois pour toute, que ce soit pour tirer un trait définitif sur leur relation, ou... Qui sait ce que l'avenir pouvait leur réserver ? Il était arrivé à un stade où il ne mettrait plus sa main à couper sur quoi que ce soit. Parce qu'il n'était plus aussi sûr de lui que ça, et parce qu'il ne voulait pas les perdre.

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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:11





Don't let hope become a memory
...


New York, 1951.


Tommy leva la tête vers le ciel chargé de nuage blanc. A vrai dire, il devinait les nuages plus qu'il ne les voyait, car la neige avait commencé à tomber. Les mains au fond de ses poches pour les garder au chaud, s'il avait la tête baissée et les épaules voûtées, s'était plus pour se préserver du froid que pour se cacher. Si son état général ne s'était pas vraiment amélioré, au moins il avait cessé de se détériorer. Il avait repris un peu de muscles, mais rien de bien probant. Tous les matins, suivant son petit rituel, il sortait dans la ville pour marcher jusqu'à la clinique, observer les allers et venues durant quelques minutes, avant de faire demi-tour pour retourner chez lui. Il s'arrêtait parfois acheter de quoi manger, et s'autorisait à entrer dans la clinique deux fois par mois pour demander le Docteur Strange. La réponse était toujours la même. Lorsqu'il soupira en frémissant, son souffle s'envola tel un petit nuage dans l'air, et il se souvenait que, gamin, il jouait à se prendre pour un dragon. Cela eu au moins le mérite de lui arracher un petit sourire, tandis qu'il faisait tourner entre ses doigts les quelques pièces et le billet qu'il lui restait. Il ne savait pas d'où lui venait l'argent qu'il recevait toutes les semaines – pas grand chose, mais cela lui suffisait largement pour se nourrir. Il soupçonnait cette Natasha, mais il n'en avait jamais eu la preuve. Il avait écarté l'idée que certains de ses voisins aient pu faire preuve d'une soudaine générosité, peut-être pris de remords. Il n'en savait rien, et remerciait juste ces dons anonymes : il ne savait pas quoi faire de sa vie, et n'avait pas vraiment envie d'aller travailler dans les bas-fonds ou de se frotter à de la racaille. Il y avait peut-être de l'argent facile à se faire, mais cela aller à l'encontre de tous ses principes : autant se laisser mourir.

Le jeune homme releva la tête avant de s'installer sur un banc, en face de la clinique. Il observa la porte, quelques instants, puis les voitures. Tous les jours, il prenait le temps de venir ici, vérifier que Stephen ne soit pas de retour. Voilà quelques mois qu'il avait installé cette routine quotidienne qui lui permettait de tenir, mais il trouvait le temps long. Il ne voulait pas penser que Natasha ait pu le berner, aussi continuait-il à venir, inlassablement, espérant revoir l'homme qui avait marqué sa vie à jamais, dusse-t-elle se terminer demain ou dans cinquante ans. Lorsqu'il se releva, il frotta ses mains l'une contre l'autre avant de souffler dessus pour les réchauffer, et ne vit pas la silhouette qui remontait la rue de la clinique en face de lui. Il rentra dedans, puis recula en rougissant, marmonnant quelques excuses. Lorsqu'il releva timidement la tête, se demandant ce qui allait se passer ensuite, s'attendant à recevoir des coups, il eu l'impression d'être foudroyé. S'il connaissait la personne se tenant face à lui, jamais il n'aurait cru la croiser à nouveau un jour, et surtout pas ici ni maintenant. Le regard hautain, la tête bien droite, la personne en question eu néanmoins une étincelle de doutes dans les yeux, se détendant légèrement.

« Brittany ?... »

Le prénom murmuré par  Tommy lui glaça le sang autant qu'il le réchauffa. Il savait très bien que la femme l'avait manipulé, et qu'à cause d'elle plus que quiconque, il avait été mis à la porte du Daily Bugle. Il ne savait pas vraiment s'il devait se méfier pour ce qu'elle lui avait déjà fait, ou s'il pouvait baisser sa garde avec celle dont il avait cru être l'ami durant de nombreuses années. Il scruta son regard avant qu'à son tour, elle ne l'interroge :

« … Tommy ? »

Il hocha timidement la tête avec un sourire plein d'espoir et de reconnaissance. Il s'était presque attendu à se faire rejeter froidement par la femme qui, il le voyait à ses vêtements chic, semblait avoir gagné quelques échelons dans l'échelle sociale. Avait-elle finalement atteint son but ? Elle resta quelques instants interdite devant lui, et il ne su lui-même pas vraiment quoi faire. Puis, soudainement, sans qu'il ne s'y attende, la femme se mit à hurler, à demander de l'aide, à crier au voleur. Tommy se figea sur place, sur le coup trop choqué pour réagir ; ce ne fut cependant que lorsqu'il vit une patrouille de police montée arriver vers eux qu'il partie en courant.

« C'est lui ! Attrapez-le ! C'est un détraqué, un pervers ! Il travaillait avec moi, on l'a renvoyé pour... »


La voix de Brittany s’évanouit à mesure que ses pas le portaient loin d'elle, mais il n'avait pas besoin d'entendre la suite pour savoir ce qu'elle allait dire. Même s'il n'y avait aucune preuve qu'il ait tenté de la violer ou de lui faire quoi que ce soit, on ne laisserait jamais le bénéfice du doute à quelqu'un que l'on avait accusé d'homosexualité et de sympathie pour le communisme et l'URSS. Ce serait directement la  prison pour lui, et sans passer par la case départ. Et si on ne découvrait pas qu'en plus de tous ça il était mutant, et qu'on ne le transformait pas en cobaye... Il aurait de la chance. Alors il courut, aussi vite que possible malgré la fragilité de son métabolisme, remerciant ses marches quotidienne de l'avoir quelques peu renforcé. Il entendait les sabots derrières lui sur les pavés ou le goudron, et tourna dans quelques ruelles sombres qu'il évitait d'habitude le plus possible, avant de s'engouffrer dans son appartement et de s'enfermer chez lui sans même lancer un regard en arrière. Tommy se laissa glisser le long de la porte, la respiration forte, saccadée, le souffle court, remonta ses jambes vers son visage qu'il entoura de ses bras, et se mis à pleurer en posant son front sur ses genoux.

oOoOo

Il s'était passé des mois depuis que Stephen était parti pour le Tibet. Il n'avait pas eu beaucoup de moment à lui, mais il fallait dire qu'il n'en avait pas pris beaucoup non plus. Ce qu'il avait découvert là-bas, après l'avoir durement accepté, avait été au-delà de ses espérances. Voilà en effet plusieurs mois qu'il apprenait à contrôler la magie, « tout simplement ». Et malgré son avancé prodigieuse et époustouflante sur tout ce qui était théorique, la pratique s'était avérée bien plus... Compliqué. Coupé du monde, aigri, hautain et trop sûr de ses capacités, l'ex-chirurgien à présent apprenti sorcier avait dû faire un énorme travail sur lui-même pour réussir à maîtriser la magie dans toutes ses subtilités. Se détacher de lui-même pour revêtir sa forme astrale avait été l'une de ses plus difficile épreuves, après réussir à faire un peu de magie. Il avait dû devenir plus humble et plus patient, plus attentif à ce qui l'entourait et moins égocentrique, plus respectueux et prudent pour parvenir à mettre en pratique l'enseignement de ses supérieurs. Une fois qu'il se fut remis en question, il avança à nouveau de manière prodigieuse. Il émerveillait autant qu'il inquiétait le Sorcier Suprême, qui craignait de le voir céder à la tentation de la magie noire et des ténèbres, comme un autre élève prometteur avant lui.

Stephen quitta le cliché qu'il avait conservé avec lui des yeux pour regarder la neige tomber. Ce début d'année sur l'un des sommets du Tibet avait quelque chose de magique, abstraction faite de tout ce qui pouvait effectivement se passer de magique ici. Même si, concentré sur son apprentissage, il ne voyait pas le temps passer, Tommy lui manquait, de plus en plus. Avec ce travail fait sur lui-même, il avait compris peu à peu le rôle qu'il avait joué dans la déchéance de son amant, et il en éprouvait de plus en plus de remords lorsqu'il avait l'occasion de penser à autre chose que ses études. Il comprenait de nombreuses choses qui avaient, alors, échappé à son esprit pourtant si développé. Il se rendait compte que sa froide intelligence ne faisait pas tout. Avec un léger soupire, il rangea la photo dans un repli de sa tenue bleue foncée, contre son torse, et se leva. Il avait abandonné depuis longtemps l'idée de retrouver l'usage de ses mains : il se rendait compte d'à quel point son désir était futile, à présent. Il avait bien plus, et il aurait pu se soigner, mais il ne le désirait pas. Les tremblements de ses mains, les douleurs qui s'y élançaient parfois, tout cela était un rappel de ce qu'il avait été, et de ce qu'il avait intérêt à ne pas redevenir. En silence, il quitta sa chambre pour ramener ses derniers livres à la bibliothèque, lorsqu'un tremblement secoua tout le bâtiment.

Il laissa choir les précieux ouvrages au sol, et se rua dans les couloirs. Stephen les avait prévenu, pourtant, il leur avait dit que Mordo préparait quelque chose contre leur Maître. Depuis que son rival était parti de Kamar-Taj, abandonnant tout derrière lui et se pensant supérieur et son seul maître, Stephen avait guetté le retour du sorcier. Son cœur battait à tout rompre tandis qu'il dévalait les marches qui le mènerait jusqu'à la signature magique de Mordo. Il s'immobilisa sur le palier, avant de se jeter sur son rival. La bataille magique qui suivit fut violence, dure, implacable. Sentant sa défaite proche, Mordo s'esquiva, laissant le grand hall dans un état pitoyable. Stephen se jeta sur le corps du Sorcier Suprême. Lorsqu'il se releva, quelques minutes plus tard, croisant le regard de celui qui serait son majordome – un dénommé Wong – celui-ci hocha la tête gravement.

« Quoi qu'il t'ai dit, fait-le. Même si tu dois laisser Kamar-Taj dans cet état. Ils peuvent s'en occuper. »

oOoOo

Tommy sorti de son lit en rampant pour aller vomir dans la cuvette des toilettes, et il eu toutes les peines du monde à se relever. Voilà bien trois semaines depuis « l'incident Brittany » numéro deux, et une panique qu'il ne pouvait pas contrôler s'était emparé de lui à l'idée qu'il puisse terminer en prison. Lorsqu'il était encore au Daily Bugle, il avait entendu et avait lu pas mal d'article sur ce qui arrivaient aux gens comme lui qui finissaient dans ce genre d'endroit. S'il ne devenait pas le jouet sexuel de certains des internés les plus coriaces, ils étaient souvent battus à mort et personne ne s'en plaignait. Et ce serait pire si on découvrait sa mutation. Mais au-delà de ça, il craignait surtout de rater le retour de Stephen. Il craignait que s'il terminait en prison, il n'ai jamais l'occasion de le revoir. Il ne voulait pas regretter de ne pas avoir suivit les agents Romanoff et Barton jusqu'à lui lorsque Stephen avait demandé à le voir.

Lorsqu'il fut debout sur ses jambes, fébrile, il tira la chasse après avoir essuyé sa bouche, et toussa un peu. Il se sentait si faible, si épuisé. Cela faisait un peu plus de deux semaines qu'il n'avait plus mangé, se contentant de boire parce qu'il n'osait plus sortir. De toute manière, il était aujourd'hui bien trop faible pour sortir de lui-même. Lorsqu'il s'allongea sur le lit, sa tête lui tournait, et il sentit poindre des larmes au coin de ses yeux. Il s'en voulait pour tellement de choses. Il sentait ses forces le quitter, il savait bien qu'il n'en avait plus pour longtemps, et que son appartement était devenu sa prison, et était en train de devenir son tombeau, si personne ne venait s'enquérir de son état, si Stephen ne rentrait pas à temps du Tibet, s'il ne venait pas lui rendre visite. Tout ce que Tommy désirait, c'était le revoir une dernière fois.

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MessageSujet: Re: In the mid'night   In the mid'night - Page 2 EmptySam 16 Juin - 17:12





You need never feel broken again
...


New York, 1951.

Stephen pris son temps. Il s'autorisa à marcher un peu le long de la rue New-Yorkaise qu'il n'avait pas longé depuis bien longtemps. Il voulait s'imprégner de la ville avant de parvenir à ses fins. Bien que l'impatience le gagnait, il se devait de réfléchir à comment ces retrouvailles allaient se dérouler, aux mots qu'il allait employer, aux gestes qu'il allait faire. L'ex-chirurgien avait préparé ce moment depuis longtemps, mais le sorcier avait tellement évolué qu'il ne savait plus ce qu'il devait dire ou non. Il lui semblait qu'on avait, au cours de ces derniers mois, secoué son cerveau jusqu'à ce que tout soit en désordre, pour l'ordonner d'une manière différente. Il était toujours lui-même, il résidait toujours un peu de ce docteur hautain qu'il avait été, mais il avait somme toute pas mal changé, pour le meilleur – du moins, il l'espérait. Mais il avait dû se poser de nombreuses questions quand à ce qui allait suivre. Désirait-il encore Tommy ? Oui, plus que jamais. Tous ce qu'il avait vécu à Kamar-Taj n'avait fait que renforcer ce sentiment, jusqu'à ce qu'il apparaisse évident à ses yeux. Il voulait le jeune homme qu'il avait rejeté de la pire des manières, voilà bien longtemps. Oh, évidement, si le mutant ne voulait pas de lui, et ne voulait plus jamais entendre parler de lui, il s'en accommoderai, mais... Le doux frottement du tissus de sa cape, agitée par le vent du soir, le ramena sur Terre. Il s'arrêta devant l'immeuble de Tommy, et lança un regard à Wong, avant de hocher solennellement la tête :

« Je dois y aller seul. »


Le majordome compris, et s'adossa au mur pour l'attendre. Le Sorcier ferma les yeux, et se concentra, cherchant au plus profond de sa mémoire les moindres détails de la chambre de son amant, avant de s'y téléporter. Il n'osa d'abord ouvrir les yeux, puis, lentement, un sourire naquit sur ses lèvres. Il savait qu'il se tenait exactement là où il le voulait mais, pourtant, l'absence de réaction et l'odeur – qui n'était pas la douce odeur de l'ex-reporter – l'inquiétèrent quelque peu. Lorsqu'il ouvrit finalement les yeux, il eut un haut-le-cœur. Tommy était étendu dans son lit, pâle, faible, le teint maladif. A la forme de ses vêtements, il devenait sans peine la maigreur du mutant et pouvait aisément compter le nombre de ses côtes. Le jeune homme n'avait pas ouvert les yeux, probablement ne l'avait-il pas entendu arriver. Un mélange de sentiments confus s'empara de lui. Il avait imaginer mille façons de vivre ce moment et, pourtant, à aucun moment il n'avait pensé se retrouver confronté à ça. Ses propres erreurs lui sautaient au visage, sauvagement, et faisaient remonter tous ses remords à la surface. Comment Tommy pourrait-il vouloir de lui, après ce qu'il lui avait fait ?

Doucement, Stephen se laissa tomber à genoux, décrochant sa cape et la laissant glisser au sol pour qu'elle ne le gêne pas. Il s'approcha du lit et, timidement, glissa une main dans les cheveux du jeune mutant. Celui-ci eu un violent sursaut et un hoquet de surprise, qui firent eux-même sursauter Stephen, avant que Tommy ne se plie en deux pour tousser. Combattant la panique qui voulait s'emparer de lui, le brun s'assit sur le rebord du lit, mais Tommy ne se laissa pas faire. Il se débattit mollement, mais certainement avec toute l'ardeur que lui permettait son état.

« Non, ne me prenez pas, je vous en supplie !... »


Stephen croisa son regard embué, perdu, paniqué. Il ressemblait à un petit moineau sans défense pris entre les griffes d'un terrible tigre, et cette vision serra son cœur. Il fallait tendre l'oreille pour entendre ce qu'il avait à dire, mais on pouvait ressentir leur désespoir aussi sûrement qu'une lame qui s'enfoncerait dans son torse. Il le serra doucement contre lui, tendrement, et lui répondit doucement :

« C'est moi, Tommy... C'est moi, Stephen... »


Tommy s'immobilisa immédiatement. Il écarquilla légèrement les yeux, autant qu'il le pouvait, et observa l'homme qu'il n'avait pas entendu entrer chez lui, à travers les larmes qui s'étaient amoncelé dans ses yeux. Il n'y avait pourtant aucun doute possible, il s'agissait de l'homme qu'il avait aimé. Qu'il aimait encore, malgré tout. Au-delà de la faim, de la soif, de la fatigue, au-delà de son accablement physique et moral, Summerfield se sentie soudainement apaisé. Il le détailla, comme pour immortaliser cette vision à jamais dans sa mémoire et dans son âme ; ses yeux gris métallique étaient bien ceux qu'il avait souvent cherché, et il remarqua deux mèches blanches dans sa chevelure brune qui n'étaient pas là, avant. Ce n'était pas les seules chose qui avait changé : quelque chose dans sa voix et dans son regard lui semblait plus tendre, plus humble. Il se demanda un instant s'il n'était pas mort, mais son corps tout endolori semblait plutôt lui prouver le contraire : il grimaça. Tommy était heureux, infiniment heureux d'avoir pu revoir Stephen, mais il n'arrivait pas à l'exprimer. Les mots lui manquait pour lui dire à quel point il s'en voulait de ne l'avoir pas rejoint, la force lui manquait pour le serrer dans ses bras jusqu'à l'étouffer. Il se contentait de le regarder, l'air à la fois profondément heureux et profondément triste.

Stephen ne pouvait qu'être touché par ce qu'il voyait. Il n'osait pas embrasser Tommy, de peur que celui-ci ne se brise. Ou de peur que celui-ci n'ai pas la force de le lui refuser s'il n'en avait pas envie. Il se sentait perdu et, à nouveau, pour la première fois depuis longtemps, il ne savait pas quoi faire. Il avait l'impression de perdre de précieuses minutes à l'observer, à se laisser envahir par une myriade de sensations. Il avait l'impression que le mutant allait lui filer entre les doigts – c'est précisément à ce moment qu'il sentit le front de Tommy retomber lourdement contre son épaule, et sa respiration s'affaiblir. Mutant. Il se leva soudainement, maladroitement, gardant Tommy dans ses bras. Celui-ci gémit faiblement en s'accrochant à Stephen, qui ne pu qu'avoir l'estomac noué en se rendant compte que Tommy ne pesait rien. Il le porta jusqu'à la salle de bain, et remplie magiquement la baignoire d'eau ; il n'avait pas une seule minutes à perdre.

La sirène qui apparu dans le bain n'était pas dans un meilleure état que l'homme qu'elle était en temps normal. Ses écailles ne brillaient plus de leur magnifique éclat et paraissaient ternes, lorsqu'elles n'étaient pas tout simplement tombées. Tommy fronça légèrement les sourcils en observant l'eau autour de lui, et soupira fortement. Stephen n'aurait su dire s'il soupirait de fatigue ou d'aise, mais il préféra penser au pire en espérant le meilleur. Normalement, le mutant devrait se remettre, doucement, sa mutation régénérant sa santé lorsqu'il était dans l'eau. Stephen ne savait pas si cela fonctionnait sur sa faim, ou sur l'état critique dans lequel il se trouvait, mais il n'avait plus qu'a espérer. Rien de ce qu'il avait appris ne pouvait lui permettre de sauver le mutant. Il sauta sur ses pieds et quitta la salle de bain, à contre cœur lorsqu'il entendit le gémissement de l'homme-poisson, mais il revint rapidement avec un peu de nourriture. Il avait préféré vérifier s'il ne restait pas quelques denrées à Tommy, avant d'en faire apparaître. Il perdait de précieuses secondes, et il se détestait pour ça. Il n'arrivait plus à réfléchir rationnellement, méthodiquement : il était mis au pied du mur et il manquait d'air. Il avait l'impression qu'on tentait de lui arracher la moitié de son âme.

« Tiens, mange.
- D'où... ça sort ?...
- Je... »
il hésita un instant, et se pencha pour embrasser son front « C'est compliqué et incroyable. Je t'expliquerai tout ça quand tu auras mangé. »

Les drôles de vêtements de Strange n'avaient pas échappé à l'attention de Tommy, qui attrapa délicatement le chocolat. Il ne réussi à en avaler que deux morceaux, avant de se mettre à tousser et de rendre la tablette à Stephen.

« Tu dois mange-
- Peux pas...
- Tommy, s'il te plaît, fais-le pour moi. Tu es en train de guérir, tu... »
le mutant secoua la tête pour démentir ses paroles. « Comment ça, non ? Tommy, regarde-moi, tu es dans l'eau, tu... Tu t'auto-soignes, tu dois manger, ne... Ne me dis pas ce genre de choses... »

Le mutant sourit doucement, et son regard fut soudainement empreint d'une infini tendresse. Il sortit une main de l'eau pour caresser doucement la joue de l'homme qui portait à présent la barbe, et se pencha vers lui pour murmurer quelques mots. Le sorcier se pencha, le cœur au bord des lèvres, pour écouter ce qu'il avait à lui dire.

« Tommy, je... Tommy ?! »

Stephen se releva d'un coup, et secoua délicatement le mutant qui s'était évanoui. Son cœur tambourinait dans sa poitrine comme jamais auparavant, agité par une peur qui prenait ses entrailles.

« Non, non, non ! Reste avec moi ! »


Il sortit le mutant de l'eau et l'habilla d'un mouvement, avant de disparaître avec lui, pour faire irruption au milieu de la clinique.

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